Résumé de la 14e partie n Cela fait une année que Zoumourroud, qui réussit à se faire aimer de tous, est à la tête du royaume, désespérant de retrouver son bien-aimé. L'ordre de Zoumourroud fut exécuté en fort peu de temps. Le meïdân tracé et le pavillon élevé et le trône et les sièges disposés dans l'ordre hiérarchique, Zoumourroud y convoqua tous les grands de la ville et du palais et leur donna un festin qui, de mémoire de vieillard, n'avait eu son pareil dans le royaume. Et, à la fin du festin, Zoumourroud se tourna vers les invités et leur dit : «Désormais, durant tout mon règne, je vous convoquerai dans ce pavillon au commencement de chaque mois et vous prendrez place sur vos sièges, et je convoquerai également tout mon peuple, afin qu'il prenne part au festin et qu'il mange et boive et remercie le Créateur pour ses dons !» Et tous lui répondirent par l'ouïe et l'obéissance. Alors elle ajouta : «Les crieurs publics appelleront mon peuple au festin et l'aviseront que quiconque refusera de venir sera pendu !» Donc, au commencement du mois, les crieurs publics parcoururent les rues de la ville en criant : «O vous tous, marchands et acheteurs, riches et pauvres, affamés ou rassasiés, par l'ordre de notre maître le roi, accourez au pavillon du meïdân. Vous y mangerez et vous y boirez et vous bénirez le Bienfaiteur. Et pendu sera quiconque ne s'y rendra ! Fermez vos boutiques et cessez la vente et les achats ! Quiconque refusera pendu sera !» A cette invitation, la foule accourut et se massa dans le pavillon en flots pressés, au milieu de la salle, alors que le roi était assis sur son trône et que, tout autour de lui, sur leurs sièges respectifs, étaient hiérarchiquement rangés les grands et les dignitaires. Et tous se mirent à manger toutes sortes de choses excellentes telles que moutons rôtis, riz au beurre et surtout de cet excellent mets appelé «kisck», préparé au blé pulvérisé et au lait fermenté. Et pendant qu'ils mangeaient, le roi les examinait attentivement, l'un après l'autre, et si longtemps, que chacun disait à son voisin : «Par Allah ! je ne sais pour quel motif le roi me regarde avec obstination !» Et les grands et les dignitaires, pendant ce temps, ne cessaient d'encourager tous ces gens, leur disant : «Mangez sans honte et rassasiez-vous ! Vous ne pouvez faire plus grand plaisir au roi que de lui montrer votre appétit !» Et eux se disaient : «Par Allah ! de notre vie nous n'avons vu un roi aimer à ce point son peuple et lui vouloir tant de bien.» Or, parmi les gloutons qui mangeaient avec le plus d'ardente voracité, faisant disparaître dans leur gosier des plateaux entiers, se trouvait le misérable chrétien Barssoum qui avait endormi Alischar et volé Zoumourroud, aidé de son frère le vieux Rachideddîn. Lorsque ce Barssoum eut fini de manger la viande et les mets au beurre ou au gras, il avisa un plateau, placé hors de portée de sa main et qui était rempli d'un admirable riz à la crème, saupoudré de sucre fin et de cannelle ; il bouscula tous ses voisins et atteignit le plateau qu'il attira à lui et plaça sous sa main, et en prit une énorme bouchée qu'il engouffra dans sa bouche. Alors, l'un de ses voisins, scandalisé, lui dit... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la trois cent vingt-cinquième nuit, elle dit : ...Alors l'un de ses voisins, scandalisé, lui dit : «N'as-tu donc pas honte de tendre la main vers ce qui est loin de ta portée, et de t'emparer pour toi seul d'un si grand plateau ? Ignores-tu donc que la politesse nous enseigne de ne manger que ce qui est devant nous ?» Et un autre voisin ajouta : «Puisse ce mets te peser sur le ventre et bouleverser tes tripes !» Et un amusant bonhomme, grand mangeur de haschisch lui dit : «Hé, par Allah, partageons ! Approche-moi ça, que j'en prenne une bouchée ou deux ou trois !» (à suivre...)