Résumé de la 17e partie n Alors qu?il était en train de s?empiffrer de riz, Djiwân le Kourde se vit happé, ligoté et traîné par les gardes devant Zoumourroud qui en avait donné l?ordre. Mais pour ce qui est du troisième festin, voici ! Comme dans les deux circonstances précédentes, les crieurs firent la même annonce, et l'on fit les mêmes préparatifs ; puis le peuple se rassembla sous le pavillon, les grands se placèrent en ordre et le roi s'assit sur son trône. Et tout le monde se mit à manger, à boire et à se réjouir ; et la foule était massée partout, excepté devant le plateau de riz à la crème qui restait intact au milieu de la salle, ayant tous le dos des mangeurs tourné de son côté. Et soudain on vit entrer un homme à barbe blanche qui, voyant vide l'endroit tout autour du plateau, se dirigea de ce côté et s'assit pour manger, afin de n'être pas pendu. Et Zoumourroud le regarda et reconnut le vieux Rachideddîn, le misérable chrétien qui l'avait fait enlever par son frère Barssoum. En effet, comme Rachideddîn, au bout d'un mois, ne voyait pas revenir son frère qu'il avait envoyé à la recherche de l'adolescente enfuie, il résolut de partir lui-même essayer de la retrouver, et le destin le conduisit dans cette ville jusqu'à ce pavillon, devant le plateau de riz à la crème. Zoumourroud, en reconnaissant le maudit chrétien, pensa en elle-même : «Par Allah, ce riz à la crème est un mets béni, puisqu'il me fait retrouver tous les êtres malfaisants. Il me faut un jour le faire crier par toute la ville comme mets obligatoire pour tous les habitants. Et je ferai pendre ceux qui ne l'aimeront pas ! En attendant, je vais m'occuper de ce vieux scélérat !» Elle cria donc à ses gardes : «Amenez-moi l'homme au riz !» Et les gardes, habitués maintenant, reconnurent l'homme aussitôt, et se précipitèrent sur lui et le traînèrent par la barbe devant le roi qui lui demanda : «Quel est ton nom ? quelle est ta profession ? Quel est le motif de ton arrivée parmi nous ?» Il répondit : «O roi fortuné, je m'appelle Rustem, mais je n'ai point de profession si ce n'est d'être un pauvre, un derviche !» Elle s'écria : «A moi le sable et la plume !» Et on les lui apporta. Et elle, après avoir étendu le sable et y avoir tracé des figures et des caractères, réfléchit une heure de temps, puis releva la tête et dit : «Tu mens devant le roi, chien maudit ! Ton nom est Rachideddîn, ton métier est de faire enlever traîtreusement les femmes des musulmans et de les enfermer dans ta maison ; tu professes extérieurement la foi de l'islam en restant au fond du c?ur un misérable chrétien pourri de vices. Avoue la vérité ou ta tête va sur l'heure sauter à tes pieds !» Et le misérable, terrifié, crut sauver sa tête et avoua ses crimes et ses hontes. Alors, Zoumourroud dit aux gardes : «Renversez-le et appliquez-lui mille coups de bâton sur chaque plante des pieds !» Et cela fut exécuté immédiatement. Elle dit alors : «Maintenant emmenez-le, arrachez-lui la peau, empaillez-la avec du foin pourri et clouez-la, avec les deux autres, à l'entrée du pavillon. Et faites subir à son cadavre le même sort qu'à celui des deux autres chiens !» Et cela fut exécuté sur-le-champ. Cela fait, tout le monde se remit à manger en s'émerveillant de la sagesse et de la science divinatoire du roi, et en vantant sa justice et son équité. Lorsque le festin eut pris fin, le peuple s'écoula et la reine Zoumourroud rentra dans son palais. Mais elle n'était point heureuse intérieurement, et elle se disait : «Grâces soient rendues à Allah qui m'a apaisé le c?ur en m'aidant à tirer vengeance de ceux qui m'avaient fait du mal ! Mais tout cela ne me rend pas mon bien-aimé Alischar ! Pourtant, Le Très-Haut est en même temps Le Tout-Puissant, et Il peut ce qui Lui plaît, à l'égard de ceux qui L'adorent et Le reconnaissent pour leur seul Dieu !» Et, émue au souvenir de son amoureux, elle versa d'abondantes larmes toute la nuit ; puis elle s'enferma seule, avec sa douleur, jusqu'au commencement du mois suivant. (à suivre...)