Résumé de la 16e partie n Démasqué par Zoumourroud, Barssoum est exécuté sur ordre du «roi». Quant aux voisins qui avaient vu le misérable manger du riz au lait, ils ne purent s'empêcher de se communiquer mutuellement leurs impressions. L'un dit : «Ouallah ! Jamais plus de ma vie je ne me laisserai tenter par ce plat que pourtant j'aime à l'extrême. Il porte malheur !» Et le mangeur de haschich, se tenant le ventre tant il avait des coliques de terreur, s'écria : «Hé ! Ouallah ! Ma bonne destinée m'a préservé de toucher à ce maudit riz à la cannelle !» Et tous jurèrent de ne jamais plus prononcer le mot de riz à la crème ! En effet, quand vint le mois suivant et que le peuple fut de nouveau convoqué à prendre part au festin en présence du roi, il y eut un grand vide autour du plateau qui contenait le riz à la crème et personne ne voulut même regarder de ce côté. Puis tout le monde, pour faire plaisir au roi, qui observait chaque convive avec la plus grande attention, se mit à manger et à boire et à se réjouir, mais chacun en ne touchant qu'aux mets placés devant lui. Sur ces entrefaites, entra un homme à l'aspect effrayant qui s'avança rapidement en bousculant tout le monde sur son passage et qui, voyant toutes les places prises excepté à l'entour du plateau de riz à la crème, vint s'accroupir devant ce plateau et, au milieu de l'effarement général, se disposa à tendre la main pour en manger. Or, Zoumourroud aussitôt reconnut en cet homme son ravisseur le terrible Djiwân le Kourde, l'un des quarante de la bande d'Ahmad Ed-Danaf. Le motif qui l'amenait en cette ville n'était autre que la recherche de l'adolescente dont la fuite l'avait mis dans une fureur épouvantable. Et il s'était mordu la main de désespoir et avait fait le serment de la retrouver, fût-elle derrière le mont Caucase ou cachée comme la pistache dans sa coque. Et il était parti à sa recherche et avait fini par arriver à la ville en question et entrer, avec les autres, dans le pavillon, pour ne pas être pendu... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la trois cent vingt-sixième nuit, elle dit : «il s'assit en face du plateau de riz à la crème en question et plongea sa main tout entière au beau milieu». Alors de toutes parts on lui cria : «Holà ! que vas-tu faire ! Prends garde ! Tu vas être écorché vif ! Ne touche pas à ce plat qui porte malheur !» Mais l'homme roula des yeux terribles et leur cria : «Taisez-vous, vous autres ! Je veux manger de ce plat-là et m'en remplir le ventre. Je l'aime, ce riz doux à la crème !» On lui cria encore : «Tu seras pendu écorché !» Pour toute réponse il attira à lui encore davantage le plateau dans lequel il avait plongé déjà la main, et se pencha dessus. A cette vue, le mangeur de haschisch, son plus proche voisin, s'enfuit épouvanté et dégrisé des vapeurs du haschisch pour aller s'asseoir plus loin, en protestant qu'il n'était pour rien dans ce qui allait se passer. Donc Djiwân le Kourde, après avoir plongé dans le plateau sa main noire comme la patte du corbeau, la sortit énorme et pesante comme le pied du chameau. Il arrondit dans sa paume la prodigieuse poignée qu'il avait retirée, en fit une boule aussi grosse qu'un cédrat et la lança d'un mouvement tournant au fond de son gosier où elle s'engloutit avec un fracas de tonnerre et comme le bruit d'une cascade dans une caverne sonore, tant que le dôme du pavillon résonna d'un écho retentissant qui se répercuta bondissant et rebondissant. Et la trace fut telle dans la masse où la bouchée avait été prise que le fond apparut à nu du grand plateau ! (à suivre...)