Choix Elle n?a que 48 ans. Après 25 ans voués à l?enseignement fondamental, en tant que professeur de mathématiques, Mlle Nadjet Abidi décide d?anticiper sa retraite et de se consacrer à la recherche scientifique. Un choix pénible, car depuis deux ans, son livre est fin prêt et n?attend plus qu?à être édité. Plusieurs maisons d?édition ont été contactées, mais ces dernières refusent catégoriquement de tenter cette nouvelle et riche expérience. Cette recherche s?articule principalement autour de l?enfant-élève et prodigue des conseils à la mère pour assurer l?épanouissement et l?éducation de l?enfant, afin de le préparer à sa rentrée sociale et scolaire. «L?instituteur algérien affronte d?énormes difficultés. Il doit non seulement assurer les cours, mais aussi l?éducation de l?élève. Une tâche rude qui, pourtant, ne relève pas de ses compétences. Il faut dire qu?une fois à l?école, l?enfant manque de tout, il ignore même les gestes les plus élémentaires de sa vie. Le maître se trouve dans l?obligation d?assumer une autre mission qui n?est pas la sienne, alors qu?il est dépassé par la surcharge des programmes». Notre interlocutrice argue qu?actuellement les parents sont démissionnaires, ils comptent sur l?école pour que celle-ci assure l?éducation de leurs enfants. Ils ne procurent donc rien à leurs petits sur tous les plans, ce qui ne va pas sans causer de grandes frustrations à l?enfant. «L?éducation ne commence pas à l?âge de 6 ans, mais bien avant. Je dirais même dès la naissance. Chez nous, entre 2 et 6 ans, l?enfant traverse un vide immense, alors que cette étape est importante, étant celle de son épanouissement et de l?éveil de sa pensée. En Algérie, dès que l?enfant met les pieds à l?école, il affronte une tout autre réalité à laquelle il n?a pas été préparé et à laquelle il ne peut d?ailleurs s?adapter». Dans sa recherche, Mlle Nadjet Abidi atteste que la mère est un acteur capital qui participe à l'éclosion de l?éveil scientifique de l?enfant, c?est elle qui lui enseigne les gestes les plus simples et élémentaires de son quotidien. Dans ce cadre, elle insiste sur les deux aspects sanitaire et psychologique. Sur le plan sanitaire, l?enfant doit connaître les gestes de l?hygiène, de l?alimentation, du sommeil? En revanche, sur le plan psychologique, dix points essentiels doivent être inculqués à l?enfant : l?éveil affectif, cinétique, linguistique, social, religieux, sanitaire, éducatif, culturel, artistique et créatif. «La mère peut contrôler tout cela et sans user de violence ou de force, parce que dès que l?enfant sent une certaine autorité agressive, il rejette tout et nous risquons ainsi de perdre son contrôle». Cet ouvrage a été lu et approuvé par des enseignants et des docteurs en psychologie et de littérature, mais il reste enfoui dans les fonds des tiroirs, attendant vainement son édition. Nadjet Abidi traîne de maison d?édition en maison d?édition depuis près de deux ans, en proposant avec supplique le fruit de sa recherche. «Il ne se vendra pas, me disent certains, alors que d?autres m?ont réclamé des sommes aberrantes. Je suis abasourdie ! Ce n?est pas normal ! Comment les publications culinaires se vendent et se font éditer alors que celles de l?éducation sont marginalisées ? Cela renvoie à l?apparence commerciale qui guide nos éditeurs. J?ai profité de la tenue du salon pour aborder des maisons d?édition, mais c?est le même discours. J?ai même rencontré le P-DG de l?Anep et le Syndicat des professionnels du livre, sans aucun résultat. C?est décourageant ! Je me bats seule contre tout le monde, personne ne veut m?ouvrir de portes, alors que je mets mon expérience au service de mon pays. Je ne veux ni recherche, ni argent, ni célébrité».