Désespoir Elle baisse les yeux pour cacher à l?étranger l?étendue de sa détresse. Quand, enfin, on ramène son petit garçon dans le chariot, elle se lève de son tabouret et se précipite vers lui. L?enfant, qui vient d?être circoncis sous anesthésie, commence à se réveiller et grimace de douleurs. Les deux infirmiers le déposent lentement sur un lit. Elle prend la main de l?enfant et l?embrasse. ? Mohamed, ça va ? Tu es très courageux. Bravo !? Tu es un homme maintenant ! L?enfant se met à pleurer et elle essaie de le consoler. ? Tu sais, le docteur a dit que tu es le plus courageux de tous les garçons qu?il a circoncis. Je suis fière de toi ! Elle lui caresse les cheveux. ? J?ai mal ! gémit Mohamed? Un garçon pleure dans le lit voisin. Quatre hommes et une femme l?entourent en lui parlant doucement. Elle les regarde un moment et soudain, elle a conscience de sa solitude. Aucun oncle ne s?est dérangé pour son orphelin de fils. Elle examine le visage exsangue de Mohamed et son c?ur déborde de tristesse. Mais elle se défend de pleurer. Pas devant le petit? Un homme se détache du groupe et les regarde. L?espace d?un moment, leurs regards se croisent. Il comprend. Il vient devant le lit et pose sa main sur la tête de l?enfant, en souriant. ? Courage, mon fils, lui dit-il, tu es très brave, très brave ! Il ne faut pas pleurer. Elle baisse les yeux pour cacher à l?étranger l?étendue de sa détresse? Deux heures plus tard, le médecin l?ausculte et Mohamed peut sortir de l?hôpital? Comme prévu, elle attend sa s?ur, employée à l?hôpital, et qui se charge d?appeler un taxi. Alors, elle soulève l?enfant et le porte jusqu?au rez-de-chaussée et, en attendant, s?assied sur un banc de pierre réservé aux visiteurs, tenant son fils couché sur ses genoux. Il est grand pour son âge. Il s?accroche au cou de sa mère, le visage crispé de douleur. Elle lui murmure à l?oreille des paroles apaisantes, consciente des regards étonnés des gens assis près d?elle. Ils n?ont sans doute jamais vu une femme porter un enfant qui vient d?être circoncis. C?est l?affaire des hommes. Les mères doivent attendre à la maison, avec la famille et les invités. ? «Mon Dieu, pourvu que cela finisse vite», se dit-elle. (à suivre...)