Résumé de la 1re partie Pour la circoncision de son fils, Zoubida est profondément attristée de se retrouver seule avec lui. Le sachant pourtant orphelin, aucun de ses oncles n?a fait le déplacement pour lui. Quand le taxi la dépose avec sa s?ur devant la maison, Zoubida entre dans la cour, portant l?enfant en gandoura blanche, regardant droit devant elle, le visage fermé, l?air faussement absent retenant de toutes ses forces les larmes qui brouillent son regard. Un ou deux «youyous» poussés par une cousine fusent quand enfin elle pose Mohamed sur le matelas de la salle. «Voilà, c?est fait», se dit-elle. Les tantes et la grand-mère de Mohamed le félicitent, lui remettent de l?argent, l?enfant oublie sa douleur, très fier de lui. De temps en temps, sa mère qui s?affaire dans la cuisine pour préparer le café vient le voir et lui dit, pour l?encourager : - Tu vois, cette grande fête qu?on fait pour toi ? - Oui, c?est une grande fête? Regarde, maman, j?ai de l?argent ! Et il brandit fièrement les quelques billets qu?on lui a glissés dans la main. L?enfant est aux anges et c?est l?essentiel pour elle. On met de la musique, on danse, et elle sent que tout le monde essaie de combler ce vide qu?a créé l?absence d?hommes autour de l?orphelin. Les cousines lancent des youyous, frappent des mains. Elle dépose au centre de la pièce son grand plateau de cuivre sur lequel elle a disposé des assiettes de gâteaux ramenés par sa belle-s?ur. Et puis, en fin d?après-midi, quelques femmes décident de passer la nuit avec elle dans son minuscule deux-pièces pour ne pas la laisser seule? Elle n?avait pas prévu cela? Alors que l?enfant est occupé à manger des gâteaux, elle s?approche de lui, lui subtilise deux billets de 200 DA. Puis, prétextant une course urgente pour acheter des médicaments pour Mohamed, elle court chez le boucher du coin pour acheter un morceau de viande pour le dîner et revient à la hâte. C?est à ce moment-là que son frère arrive enfin pour voir le petit, légèrement embarrassé. Il entre, s?approche du matelas où le petit garçon est allongé, lui murmure : - ça va ?? Il lui glisse un billet dans la main et sort très vite. Elle lui demande de rester prendre un café, mais il répond sans se retourner : - J?ai du travail ! Je suis pressé ! Elle n?insiste pas et retourne préparer la chorba. Sa mère envoie des enfants acheter de la salade et des fruits pour compléter le repas. Et les femmes dînent. La mère qui, de temps en temps, lance des regards anxieux vers son fils, quand la douleur le reprend, se lève, arrange ses coussins, le couvre et revient vers la meïda? La grand-mère grosse, les poignets entourés de lourds bracelets d?or, vêtue d?une gandoura brodée, bavarde, tout en lui lançant de temps à autre : - Mais mange donc un peu, au lieu d?aller et venir comme ça ! Laisse cet enfant tranquille, tu le rends malade ! Et elle ajoute : - C?est ton père qui va être fâché quand il va apprendre que tu as circoncis ton fils pendant son absence. «C?est vrai, pense-t-elle, s?il était ici, je n?aurais pas ressenti ce vide immense ?» Mais elle sait au fond que sa mère pense le contraire. Si son vieux père était là, il aurait dépensé beaucoup d?argent pour la circoncision, et elle n?aurait pas apprécié cela? Il faut savoir rester humble quand on est veuve avec des orphelins. Alors que les autres sont bien installés pour la nuit sur des matelas, elle s?allonge près de son fils, sur une peau de mouton, recroquevillant ses jambes, le plus possible. Et là, dans le silence qui est revenu, tenant la petite main dans la sienne, elle laisse enfin couler ses larmes dans l?obscurité, sans témoin?