Phénomène n Il existe à Oran près de 1 800 lieux de restauration, dont 1 497 de type «quatre saisons». Entre une pizzeria et un restaurant populaire, il y a? un restaurant chinois ! La restauration est devenue une activité attractive pour l'investissement. Les gains qu'elle génère font d'elle une bouée de sauvetage pour bon nombre de commerçants versés dans d?autres créneaux et qui ont mis la clé sous le paillasson. Elle attire une clientèle bigarrée d'Oranais issus d'horizons sociaux divers. Certains commerçants, usés par les contingences d'une concurrence parfois déloyale et laminés par les effets des mutations sociales sur la clientèle, ont trouvé en la restauration un moyen pour rebondir. En un tour de main, un droguiste, un quincaillier ou un libraire devient un restaurateur sachant réciter d'un trait les subtilités et les saveurs d'une carte, vendre un modeste bout de kalantika ou encore arroser de ketchup et de harissa une tranche de pizza. La restauration fast-food, qui a fait l'originalité des sociétés occidentales pressées et prises dans l'engrenage du quotidien mené à la hussarde, a envahi Oran. Les pizzerias, les vendeurs de hamburgers et récemment les échoppes proposant le chiche-kebab ont fait leur apparition à El-Bahia. Le gérant d'une pizzeria, installée non loin d'un lycée du centre-ville, indique que sa clientèle est composée d'universitaires, de lycéens et de travailleurs qui viennent se restaurer à des prix pouvant parfois atteindre 150 dinars le plat. Les saveurs et les textures new-look de ce genre de restauration n'ont pas réussi à «déclasser» les traditionnels restaurants populaires qui continuent de drainer une foule de clients venus déguster une h'rira épicée façon grand-mère où une dolma baignant dans une sauce où se mêlent les saveurs du Maghreb aux senteurs des épices d'Orient. Ces restaurants continuent de servir, comme au bon vieux temps, le osbane (boulettes d'abats), la loubia le plus souvent sans viande ou encore le bon ragoût de lentilles assaisonné de vinaigre et d'un bouquet d'épices savamment choisies. «Populaires» dans le langage en usage durant la période coloniale, ces endroits déclinent leurs spécialités aux odeurs qui emplissent les rues d'Oran. Ils continuent de servir une clientèle entassée sur des chaises brinquebalantes et des tables à la propreté parfois douteuse. Aujourd'hui, ces endroits rendus célèbres par la qualité du service convivial, le goût de leurs plats et l'ambiance qui y règne sont devenus rares. La clientèle aux moyens modestes qu'ils accueillaient a choisi d'autres mets légers, des hamburgers, des sandwichs ou encore l'inégalable «kalachnikov», surnommée communément «steak blanc». Le secteur de la restauration attire aujourd'hui l'investissement étranger. La cuisine chinoise côtoie les mets syriens et turcs dans un foisonnement d'odeurs, de saveurs et de musiques. Ces lieux n'attirent pas uniquement les étrangers venus se retremper dans une atmosphère coutumière laissée dans un recoin de la mémoire le jour du départ, mais aussi des curieux venus découvrir des plats, des ustensiles, des tours de main, des traditions et des cultures captées sur une chaîne au gré du «zapping» télévisuel. Les fins gourmets affichent aujourd'hui leur gêne pour choisir que déguster et chez qui se restaurer. Entre «la cuisine de chez nous» et «la gastronomie de l'autre», leur c?ur balance?