Mille neuf cent soixante. Mohamed T. est instituteur et Marocain. Il fait partie, dans son pays, de ceux qui savent... Il est bel homme, jeune, ambitieux, il a, comme on dit, du «tempérament». Mohamed pose sa candidature pour entrer dans la police. Un corps de métier qui permet bien des choses... 1962. Mohamed T., policier, est nommé aux renseignements généraux d'Agadir, ville touristique s'il en est. 1972. Sa carrière, menée avec prudence, le conduit à un poste plus important : Mohamed est toujours aussi ambitieux, toujours bel homme, et son «tempérament» se fait de plus en plus exigeant. A présent qu'il est commissaire, il sait le pouvoir que lui confère sa fonction, il frémit de plaisir en constatant la crainte qu'il peut voir dans le regard de tous ceux qui l'approchent, spécialement ceux qui viennent quémander une faveur, un tampon sur un papier officiel, une autorisation. C'est un petit chef, comme on en rencontre dans tous les pays. Mais un petit chef tourmenté par le démon du sexe, par la haine des femmes. Pourquoi ? Une déception ? Un sentiment d'infériorité, un complexe d'?dipe mal résorbé ? L'histoire et le procès ne le diront pas, mais les faits sont là. Le procès ne dira pas tout... On ne parlera que des «incidents de parcours» du beau Mohamed. Beau, puissant, il pourrait ne pas connaître beaucoup de cruelles, comme on disait autrefois. Mais la séduction n'est pas son fort. La violence l'est, en revanche. En 1980, Mohamed attire chez lui une jeune fille marocaine et, après Dieu sait quelles péripéties, la viole tout simplement. Devant l'horreur de ce qui lui arrive, particulièrement dans un pays musulman où la virginité demeure le plus grand trésor d'une jeune fille honnête, la victime décide qu'elle n'a aucune chance de faire connaître la vérité. Elle choisit la seule voie qui semble possible et, enjambant le balcon, se jette dans le vide. Le commissaire Mohamed T. est bien embarrassé pour expliquer ce qui s'est passé. Heureusement pour lui, personne ne tient à éclabousser la police. La famille ne parvient pas à obtenir justice... La jeune fille est morte pour rien. Mohamed est... muté dans une autre ville. Il sait désormais que ses fonctions le mettent à l'abri de certaines sanctions. A condition de ne pas en abuser. Dix ans passent, le commissaire poursuit son petit bonhomme de chemin, sans doute jalonné d'autres larmes méconnues, d'autres supplications, d'autres viols discrets. En 1990, Mohamed, qui possède une garçonnière à Casablanca, y attire une femme mariée : Mme H. L. Cette fois-ci, il menace la belle d'un couteau et l'oblige à subir ses caprices, la viole. Mais la dame porte plainte. Mal lui en prend. Le «corps policier» réagit comme un seul homme. La victime se retrouve accusée : accusée de prostitution. Elle doit, à sa grande honte, retirer sa plainte et se rétracter. A présent, Mohamed triomphe : il vient d'avoir la démonstration de son pouvoir absolu. Il sait qu'il peut se permettre de poursuivre ses viols... à une plus grande échelle, si l'on peut dire. MIle F. est une jeune femme marocaine dynamique. Elle vient de se voir proposer un contrat de travail en Arabie saoudite. Mais pour rejoindre le poste qu'on lui propose, elle doit se procurer un passeport. Denrée rare pour les femmes marocaines. Mieux vaut, pour accélérer les choses, être dans les petits papiers d'un homme qui a le bras long. Un commissaire, dans le genre de Mohamed T. (à suivre...)