Détente n La placette Mohamed-Laroussi est souvent occupée par des vieux. Triangulaire, elle s'étend sur une centaine de mètres carrés. La nature s?y épanouit, bambins et pigeons se côtoient dans une ambiance bon enfant. Un petit groupe joue aux dominos. A haute voix, les vieux se relancent dans le jeu, s?insultent. Les autres, nullement gênés par une telle profusion de grossièretés, continuent. Le banc à côté ressemble à un berceau. Deux vieux, appuyés sur leur canne, dorment d?un sommeil tranquille, ils ne bougent pas ; côte à côte, ils semblent s?accompagner, quelque part, dans le monde des rêves. Plus loin, un groupe de vieux parlent en kabyle, réinventant ainsi l?atmosphère des campagnes ; des rires ponctuent leur discussion. Un autre groupe, les yeux rivés sur un journal, commente les dernières nouvelles. Quelques bancs sont accaparés par des vendeurs à la sauvette. Le marchand d?herbes est particulièrement entouré. Il a du romarin, des tisanes et d?autres herbes aux noms compliqués. D?autre vieillards, accompagnés de leurs petits-enfants, se livrent à une mission impossible : surveiller ces garnements qui ne tiennent pas en place. Heureusement, toute l?assistance s?implique pour encadrer les enfants. «Reviens par là», crie un adulte à la voix forte à un enfant qui s?aventure au-delà du triangle. Une remarque qu?approuvent les autres par des hochements de tête. «Les voitures sont dangereuses», se contente de dire l?un d?eux. Sur la placette Laroussi, l?occupation préférée des enfants reste la distribution de pain aux pigeons, alignés par dizaines sur les fils électriques et que les enfants tentent, chacun à sa façon, de faire descendre. Un enfant dépose le pain, un autre leur parle, sous le regard amusé des vieux qui leur donnent des conseils. Les pigeons, pour leur part, attendent le signal de leur éclaireur. Soudain, il pique un vol à l?horizontale pour se figer, à un mètre de la «mangeoire». Les enfants retiennent leur souffle, suspendent leurs gestes et braquent leurs yeux sur cette minuscule créature. Le pigeon avance lentement, puis s?arrête. Impossible de savoir : est-ce par méfiance ou par jeu ? Enfin, le dénouement. Le pigeon prend un morceau de pain, donnant du coup le feu vert à ses semblables. Une nuée de pigeons descend dans un mouvement collectif. Les enfants jubilent.