Dans le sillage du Panaf qui continue à diffuser son ambiance festive à travers diverses scènes de la capitale, l'authenticité a élu domicile jeudi dernier à l'auditorium de la radio avec un concert signé Benny Golson, un grand nom de la musique jazz et l'un des rares pionniers du genre toujours en vie. En effet, à 80 ans, ce saxophoniste ténor a fait plonger le public dans un bain jazzy dans la pure tradition de Chicago. Mister Golson est même l'un des fondateurs des légendaires Jazz Messengers d'art Blakey. Il a également collaboré avec des monstres de jazz à l'instar de Monsieur Jazz, alias Miles Davis, et de John Coltrane. Sous une avalanche d'applaudissements, le papi du jazz a rejoint la scène, accompagné de ses musiciens. Le quartette est constitué du batteur Douglas Sides, du contrebassiste Gilles Naturel, du pianiste Kirk Lightsey et de Benny au saxophone. Le show s'annonce bien vu que l'entrée n'est autre qu'un grand standard de jazz revisité par le docteur. Ensemble, ils feront voyager les spectateurs dans le temps avec du vieux jazz à faire tourner la tête aux nostalgiques. Après son improvisation, Benny annonce à son public le titre de son prochain morceau : «Et maintenant je vais vous jouer Take the A train, un grand classique de Billy Strayhorn». Benny, au-delà de son talent, est un véritable musicien, respectueux de l'art et des artistes qui l'entourent. Il met en avant ses musiciens et leur laisse le champ libre. Le batteur en profite pour exécuter un drum solo disjoncté en alternant grosses caisses et double cymbale. Le quartette enchaînera ensuite avec le titre I Remember Clifford en hommage au jazzman Clifford Brown. Le public face à un tel génie en réclame. «Killer Joe, Killer Joe», lança un des spectateurs. Benny face à la demande ne se fait pas prier pour jouer son morceau. Les titres se suivent et les musiciens en profitent pour se déchaîner sur leurs instruments. Solos, improvisations, un véritable régal pour les férus de jazz. Le musicien, très surpris par la réceptivité du public, jouera également deux autres titres, Alone Came Dady et Mister PC. Le temps passe vite, déjà une heure et demie de concert est passée mais, comme on ne peut se lasser d'un tel maître, les spectateurs applaudissent fort en réclamant un autre morceau. Le dernier titre à clôturer le concert n'est autre qu'un chef-d'œuvre du maître Miles Davis, Stay with me. La composition est une merveille surtout lorsque le quartette ajoute son grain de sel avec des solos de piano, contrebasse et batterie. Benny, conscient du talent démesuré de ses compagnons, se retire souvent du devant de la scène pour les laisser nous impressionner. Le spectacle prend fin sur les coups de 22h00, les présents se lèvent et saluent les dieux de la musique. En outre, il faut dire que Benny Golson et son quartette ont contribué à redresser la barre plus haut en imprégnant le public de sa musique venue de source. Ils ont également permis au public de se remettre de la déception de la veille «offerte» par l'éternel enfant de la scène algérienne qui n'est autre que Djamel Laroussi. En effet, ce dernier a animé un concert mercredi dernier à l'auditorium de la radio en compagnie de deux grands noms, en l'occurrence, le saxophoniste Chico Freeman et le batteur Mokhtar Samba. Après un retard de 50 minutes, le guitariste gaucher Djamel Laroussi rejoint la scène sans même daigner s'excuser auprès du public qu'il a fait attendre. Il tente une improvisation avec des sonorités latines. Son jeu est impeccable, digne d'un grand. De l'autre côté, Chico lui vole la vedette en entrant avec un free style corsé avec son saxophone alto. Laroussi se retire, étouffe ses cordes et tente de suivre le rythme en tapant sur sa guitare. Quelques minutes de pure délice signées Chico avant que Laroussi lance au public : «Nous allons vous jouer un morceau inspiré des chants cubains mais assaisonné à la sauce algérienne.» Une sauce dont le public a très vite repéré les ingrédients, «karkabou et percussions» tout en ayant du mal à la digérer. Il enchaînera ensuite avec le titre All the Things you are au rythme très changeant, parfois fragmenté. Mokhtar Samba saisit cette occasion pour un drum solo endiablé. Quant à Chico, il nous offrira un second solo, Laroussi s'y met aussi. Il suit le rythme en picking. Le dernier titre, Oléo de Sonny Rollins, démarre en trombe sur fond de cymbales, caisse claire et saxophone. Mais Laroussi n'ayant pas respecté le principe d'une jam session, éclipse les deux bêtes de scène pour mettre en avant son groupe l'Anjazz. Ce dernier est composé d'un pianiste au jeu très carré, d'un saxophoniste et d'un bassiste. Le petit moment de plaisir et de véritable jazz vire au cauchemar surtout lorsque Laroussi décide de tout interrompre pour faire monter sur scène… deux karkabous, et entonne des chants de stade. La déception est générale. Certains quittent la salle, outrés d'une telle atteinte à la musique jazz. Prétendant algérianiser le jazz, il l'a en fait massacré. Aussi, en personne peu généreuse, Laroussi a vampirisé les autres musiciens sur scène. Au-delà de son jeu de guitare fort appréciable, Laroussi devrait apprendre à gérer ses impulsions sur scène. On peut faire la fête avec le jazz sans pour autant l'assassiner. «On a assisté à l'assassinat du jazz en direct», dira, révolté, un authentique jazzman qui n'arrivait pas à digérer ce qu'on lui avait fait entendre. Et l'avis n'est pas isolé. W. S.