Scène n Le Théâtre national algérien a présenté la générale de La maison frontière, une pièce adaptée d'un texte du dramaturge polonais Slavomir M'rosek et mise en scène par Belkacem Amar. Traduite du français vers l?arabe par Heïder Ben Hocine, la pièce ? écrite en 1968 et adaptée à la télévision française une année plus tard ? raconte, dans un style mêlant comique et tragique, trois officiels, des représentants de la haute instance politique, qui, intransigeants et déterminés, débarquent, à l?improviste, dans une modeste maison et informent sans ménagement ses propriétaires qu?une ligne frontalière sera, ici-même, tracée. D?événement en événement, des différentes scènes qui se nouent et se dénouent dans une situation particulièrement complexe et conflictuelle, ressort la notion de l?irréel, voire de l?absurde, d?où la question : pourquoi une frontière et pourquoi précisément ici ? Ainsi, la pièce, qui s?inscrit dans un théâtre contemporain, s'articule autour d'un tracé de frontière devant traverser une maison de campagne, et dont les habitants, se croyant à l'abri de tout conflit politique, se trouvent confrontés à quatre diplomates venus appliquer une décision internationale portant sur le tracé en question. Le choix de cette pièce est simple. Alors que nous vivons dans un monde où la mondialisation est le mot d?ordre international, alors que l?homogénéisation entraîne l?humanité dans un tiraillement effarant, un besoin de traduire toute cette «tragédie» s?impose. La pièce suscite une interrogation : «Qu?est-ce qu?une frontière ?» Et la réponse s'impose : ce n?est qu?une création de l?homme, et elle se situe uniquement dans sa tête. Elle n?est que le reflet de l?imagination. Et de tout temps, l?homme s?est employé ? et s?emploie ? à transposer son mental ? là où se situent les frontières ? dans l?espace géographique. Et la mondialisation n?est qu?une nouvelle fois une manière de réorganiser l?humanité et de tracer à nouveau les frontières. Par ailleurs, l?homme crée des frontières dans le seul objectif de spolier les biens d'autrui et d?exercer un ascendant sur les plus faibles et les plus démunis. La pièce est rehaussée par un langage théâtral soutenu même s?il est empreint d?humour. Un langage certes soutenu, mais simple, direct et critique. La pièce d?emblée apparaît comme une comédie puisque le théâtre de Slavomir M'rosek est fait ainsi : humour et parodie. Il se trouve toutefois que la comédie et l'humour dans l??uvre du dramaturge polonais n'ont pas pour seul objectif de distraire et de divertir, mais tendent également à montrer les choses sous leur vrai visage et à mettre à nu, par la même occasion, la réalité avec toutes ses carences et ses imperfections. La pièce se construit donc en un discours incisif et sarcastique réagissant contre les idéologies rétrogrades, abusives et injustifiées, remettant ainsi en question leur crédibilité et la vraisemblance de leurs agissements. C?est d?un théâtre engagé qu?il s?agit.