Décalage n Il est très difficile pour les nouveaux psychologues de mettre en application les connaissances théoriques acquises durant leur formation universitaire. L'«idée collective» qui dit que les psychologues, en Algérie, sont «tous malades» a une certaine crédibilité ; ce n'est pas d'un point de vue purement pathologique, mais du fait que ces derniers éprouvent des difficultés pour passer des tests et des séances d'analyse à leurs patients. «Durant les études, on nous apprend la théorie. Rien n'est plus facile que de lire, par exemple, un questionnaire à l'intention d'un patient durant une séance de travaux dirigés, c'est simple comme bonjour. Mais une fois sur le terrain, c'est tout autre. Le patient ne se confie pas facilement, il est de notre devoir d'essayer de «sonder» son inconscient, de le mettre en confiance et d'essayer de connaître son véritable problème, alors qu'il est censé exposer lui-même son cas», explique le Dr Laïdi du centre psychothérapeutique spécialisé de Dely Ibrahim. Beaucoup de professionnels reconnaissent que la plupart des «interdits» concernent la sexualité. Les hommes, plus que les femmes, sont incapables d'exposer clairement des problèmes qui concernent leur virilité. L'autre inconvénient est celui des «écoles». La psychologie contemporaine a plusieurs écoles : l'école américaine, l'école scandinave et l'école française. «Ce sont tout simplement les méthodes de l'école française qu'on nous enseigne», explique Nadia, psychologue à l'établissement psychothérapeutique spécialisé de Dely Ibrahim. Concernant la formation, les étudiants suivent d'abord deux années de tronc commun où ils apprennent la psychologie générale ; c'est en 3e année qu'ils se spécialisent dans l'un des quatre créneaux qui leur sont proposés : la psychologie clinique, la psychopédagogie (psychologie scolaire), la psychologie industrielle et l'orthophonie. La majorité des étudiants se plaint de la courte durée de formation spécialisée (une année seulement). «Les connaissances reçues sont insuffisantes pour les psychologues en exercice titulaires d'une licence. Ils sont souvent contraints de compléter leur formation dans les hôpitaux dans des spécialités qui n'existent pas à l'université, comme la psychologie d'orientation et la neuropsychologie», explique un jeune psychologue de l'hôpital psychiatrique de Chéraga. Le Pr Kacha, chef du service de psychiatrie à l'hôpital de Chéraga, affirme que les étudiants ne font que trois semaines de formation clinicienne. «Une durée très insuffisante pour pouvoir exercer le métier de psychologue», souligne-t-il. Il déplore aussi l'absence d'un certificat de psychopathologie chez les nouveaux psychologues. Les étudiants veulent aussi l'introduction de modules enseignés dans les autres universités du monde, qui sont indispensables pour leur formation comme la philosophie, la biologie, la physiologie humaine et la psychologie du développement. Les nouveaux psychologues n'ont pas forcément les capacités de communication et d'approche. «Si on n'est pas capable d'accepter toutes sortes de révélations, le mieux est de ne pas songer à devenir un psychologue. L'écoute et la compréhension sont les deux armes absolues d'un psychologue», souligne le Dr Ghaoui.