Noctambules n L'époque où les gens rentraient chez eux très tôt la peur au ventre est révolue. Aujourd'hui, des familles veillent jusqu'à une heure tardive de la nuit à la plage de Bab El-Oued. Il est 20h 00. Le jardin Taleb-Abderahmane grouille de monde. Les vieux qui l'occupaient la journée ont cédé la place aux jeunes. Tous les bancs sont pris. A l'ambiance morose de la journée a succédé une autre, plus conviviale. Des adolescents, des jeunes et des enfants sont là. Quelques vieux ne sont pas encore rentrés chez eux. Ils se mettent, comme à l'accoutumée, à critiquer les jeunes d'aujourd'hui, trop libéraux à leurs yeux. Les jeunes, quant à eux, tournant le dos à ces critiques, s'adonnent à des parties d'échecs et de dominos. Ils profitent de la fraîcheur. Les enfants jouent, eux aussi. Ils se mettent en petits groupes, discutant, riant, se racontant des histoires. Bref, une ambiance bon enfant règne dans ces lieux jadis clochardisés. Face au jardin, Remila et El-Kettani, deux plages d'une étroitesse qui fait d'ailleurs leur charme. Ces lieux connaissent une affluence record de familles qui viennent du quartier et d'autres quartiers de la capitale. La plage est très propre, ponctuée de parasols. Des femmes en hidjab ou en foulard, des vieilles, des jeunes filles, toutes accompagnées de membres de la famille. Elles viennent pour se détendre et se distraire. Personne ne vient déranger leur quiétude. Les lieux sont sécurisés par des policiers. Un poste de la Protection civile est de garde. Mohamed, père de famille, barbu, la cinquantaine passée, affiche sa satisfaction : «La situation a changé radicalement. Avant il y avait des cabarets, des gens qui prenaient de l'alcool, du kif, des prostituées. Aujourd'hui, point de cela. D'ailleurs, je viens de La Casbah avec ma femme et mes enfants. Avant, personne ne pouvait venir ici en famille. Maintenant, on reste jusqu'à minuit. Si les autorités amélioraient davantage les conditions, plus personne ne partirait vers une autre plage.» Mourad, la vingtaine, abonde dans le même sens : «Elhhamdoulillah chriki, cette place a changé. Elle n'est plus ce qu'elle était auparavant. Dans la soirée, on descend en famille. La sécurité est assurée et la Protection civile est là. Les familles se sentent à l'aise, personne ne les dérange. Les mentalités ont évolué. Les gens qui viennent ici ne le regrettent pas. Certains disent que les gens de Bab El-Oued sont des voyous. C'est faux, pour preuve, ces familles restent là jusqu'à minuit.»