Habitude n A Bab El-Oued, les vieux ont deux destinations de prédilection : la mosquée et les jardins. Ils passent la journée à parler des événements qui secouent le monde. Aujourd'hui, le Liban. Il est 13h 30 en ce mois de juillet. En ce jour de semaine, les rues de Bab El-Oued ne connaissent pas une grande affluence, mais elles ne sont pas désertes pour autant. La chaleur y est pour quelque chose. Elle décourage les gens qui ont envie de se balader. D'ailleurs, la plupart restent chez eux, au frais. Les vieux, même si la canicule ne les tue pas comme en France, n'arrivent pas à supporter la chaleur de ces derniers jours. Ils recherchent la fraîcheur et des endroits à l'abri du soleil. A Bab El-Oued, les vieux préfèrent le jardin Taleb-Abderrahmane qui a un nouveau look ces dernières années : la pelouse et les fleurs sont minutieusement entretenues ; les bancs du jardin sont occupés par des petits groupes de vieillards, qui discutent de tout et de rien. Leur sujet d'actualité : la guerre du Liban. Certains déclarent soutenir le combat du Hezbollah, d'autres regrettent le silence des régimes arabes. Les vacances ? Elles ne signifient plus grand-chose à leurs yeux. Ils sont plutôt préoccupés par leur situation sociale et leur maigre retraite. «Nous n'arrivons pas à subvenir aux besoins les plus élémentaires», avoue Mohamed, 58 ans, qui ajoute : «En Algérie, il n'y a pas de vacances pour les pauvres comme nous. Ici à Bab El-Oued, il y a les plages El-Kettani et Remila. Ce sont des égouts. Elles ne sont pas propres. Ces plages sont, bien sûr, destinées aux enfants des pauvres qui viennent de tous les quartiers d'Alger : Bachdjarah, El-Harrach…» Pour Ammi Omar, 62 ans, nostalgique du bon vieux temps : «Avant c'était mieux. On allait à la plage, il n'y avait pas toutes ces femmes en tenues courtes. Mais pour les plages, j'avoue qu'aujourd'hui elles sont mieux entretenues, mais il y a trop de monde. Avant, on occupait la plage, presque seuls. Makach ghachi. Moi, à l'époque, j'étais à Jijel. Des familles venaient à la plage et personne ne les embêtait. Maintenant, les familles sont tout le temps dérangées. Pour ma part, je passe mon été ici, f'lejnina. Tu sais, en étant retraité, mon itinéraire est clair et limité : lejnina, l'djamaâ, eddar.» Un autre vieux, 83 ans, l'air triste, regrette qu'à Bab El-Oued «nous n'avons pas de plages, mais des égouts à ciel ouvert. Nous sommes des retraités, plutôt des morts-vivants. 10% des Algériens mènent la belle vie et les autres sont dans la m… Avec 7 000 DA de retraite, tu peux passer des vacances ? Le pauvre passe de la même façon l'été, l'hiver, le printemps et l'automne». Ces vieux semblent être mieux informés de la situation au Moyen-Orient que de celle des plages de Bab El-Oued, qui ont radicalement changé…