Nécessité Il est une catégorie de jeunes qui veillent hors de chez eux, et ce, par obligation. En fait, ils fuient l?exiguïté d?un logement partagé par de nombreux membres de leur famille. Ces jeunes, nous les avons rencontrés lors d?une virée que nous avons effectuée dans l?un des quartiers les plus populaires d?Alger. Adossé au mur, Hamid, entre une taffe de cigarette et une bouffée d?air pollué, explique : «Bab El-Oued c?est Bab El- Oued. C?est elghachi tout le temps, du matin à une heure tardive de la nuit, toute l?année. Si le jour pouvait durer 24 heures, beaucoup de gens ne rentreraient pas chez eux.» Il prend quelques gorgées de café, avant de dire à voix très basse : «A la maison, il n?y a pas de place pour tout le monde. On n?y rentre que pour dormir et comme c?est le ramadan, on est obligé de veiller et on ne peut le faire que dans la rue.» Hamid reste un moment silencieux, fixant les poubelles et les amas d?ordures jetés, juste sur le trottoir d?en face. Il relance, néanmoins, la discussion sur le même ton de confidence, un sourire timide figé au visage, comme une cicatrice : «Vous savez, le logement est un véritable problème ici. D?ailleurs je ne suis pas le seul à en souffrir. Tiens, prenons le cas de mes voisins, dormir devient pour eux un véritable casse-tête. Ils ont même convenu de se scinder en deux groupes pour dormir. Par exemple, si le premier groupe dort de 21 h jusqu?à 2 h, le second ne rentrera, lui, qu?après 2 h pour se reposer.» Salim, un autre jeune, arpente les ruelles de Bab El- Oued avant qu?on l?interpelle. Il raconte plus en détails sur un ton qui cache mal la révolte : «Moi, j?aimerais bien rester au chaud à la maison, histoire de regarder un film. Seulement, nous sommes dix à la maison à partager un deux-pièces-cuisine. C?est pourquoi je préfère laisser mes s?urs passer un bon moment et moi, de mon côté, je me contente d?une soirée, dehors, avec les copains.» Et lorsqu?on lui demande pourquoi il ne fréquente pas les salles de cinéma et les mahchachate, Salim explique : « Je n?en ai pas les moyens.» Quant à son copain Farid, qui dit vivre les mêmes conditions, il nous révèle qu?il n?aime pas ce genre d?endroit et qu?il n?a pas non plus l?habitude de les fréquenter. Des histoires comme celles de Hamid, Salim ou Farid sont fréquentes. Ce phénomène, qui fait que des personnes squattent les rues d?Alger, non pas par plaisir, mais par manque d?espace dans le logis familial, n?est pas propre au mois du ramadan, il est, en effet, vécu à longueur d?année.