La danse de la grippe aviaire, dont les pas reproduisent les spasmes d'un poulet agonisant de l'épizootie, est devenue, en moins de trois mois, le tube de l'été dans les discothèques d'Abidjan, au moment où le volatile revient en grâce dans les assiettes ivoiriennes. Les deux bras en arrière pour mimer les ailes, les yeux écarquillés, la tête légèrement inclinée, et souvent la langue pendue, le tout couronné par des sautillements : toutes les nuits, des milliers de noceurs abidjanais rivalisent désormais dans l'imitation du poulet malade au rythme frénétique du «coupé-décalé» ivoirien. Créée début mai à «Marcory-Gasoil», un maquis (grande buvette à ciel ouvert) du quartier populaire de Marcory, l'une des deux communes du district d'Abidjan où le virus H5N1 a été détecté, la danse du poulet grippé est très vite devenue un phénomène de mode sous la houlette de ses concepteurs. A l'origine de ce succès, Stop grippe aviaire, le premier album du disc-jockey DJ Lewis, une figure du «showbiz» ivoirien, devenu le véritable succès musical et commercial de l'été à Abidjan, où la population continue à sortir et danser malgré la crise politique et la récession économique. Les multiples émissions télé, concerts, prestations dans les maquis et discothèques ont fait le reste : le poulet grippé se danse désormais à toutes les sauces chez les «showfeurs» (noctambules) ivoiriens, qui l'ont très vite adopté pour «dédramatiser» et «tuer» la maladie.