Mystère Sidi Ahmed ne revit jamais le brave Sétifien et il eut beau se renseigner, personne ne se rappela l?avoir même aperçu. Le camion de Sid Ahmed s?était ébranlé le premier en direction de In Salah et avait déjà avalé plus d?une centaine de kilomètres avant que ce dernier ne se rende compte que personne ne le suivait. L?inquiétude de se retrouver de nouveau seul avait commencé à tarauder l?esprit de Sid Ahmed, lorsque levant les yeux vers son rétroviseur, il l?aperçut roulant derrière lui. Il était environ 13h 30 et le soleil tapait très fort mais le jeune homme ne s?en souciait même pas, réconforté rien qu?à l?idée que le vieux routier n?était pas loin et qu?il veillait sur lui. Il s?abandonna même à penser à son épouse et à leur bébé, là-bas à El-Biar. Le soleil était descendu maintenant et le Hoggar avait pris les couleurs magnifiques dont on lui avait si souvent parlé. Un paysage d?une saisissante beauté s?offrait à ses yeux et c?est à ce moment qu?il avait compris qu?il ne fallait surtout pas se laisser aller à la rêverie. Un petit écart de la route et c?est l?embardée et l?enlisement. La hantise des gens de la route dans ces contrées. Sid Ahmed avait eu la nette expression que Ammi Djemaï avait communiqué avec lui à ce moment précis pour le prévenir du danger. Une espèce de télépathie au moyen de laquelle il lui aurait dit de garder les yeux sur la route qui s?étendait, droite à l?infini, devant lui. A moins que ce ne soit le saint de Tamanrasset qu?il s?apprêtait à visiter pour la première fois qui l?en aurait averti. Le jour se levait lorsqu?ils entrèrent dans la ville de Tam. Sur la grande place du centre, seuls quelques camions immatriculés dans différentes régions du pays étaient stationnés. Leurs chauffeurs buvaient du thé autour d?un feu de camp improvisé et devisaient tranquillement. Sid Ahmed man?uvra son Hino et se parqua juste à côté d?eux, pensant que son vieux compagnon allait en faire autant. Il descendit de son véhicule et remarqua qu?il n y avait aucune trace du second semi-remorque. Ammi Djemaï s?était comme volatilisé, alors que moins de cinq minutes plus tôt, il était là, à bord de son imposant camion. Sur le coup, le jeune homme s?était dit qu?il avait pris une autre rue de la ville et qu?il allait réapparaître. Il n?en fut rien. Sid Ahmed ne revit jamais le brave Sétifien et il eut beau se renseigner, personne ne se rappela l?avoir même aperçu. C?est comme si son compagnon d?un jour n?avait jamais existé. Le chauffeur algérois, devenu moins jeune, s?était lui aussi aguerri et était devenu un routier chevronné avec à son actif des dizaines de voyages à travers le Grand Sud. Il n?oublie jamais de se rendre au mausolée de Sidi Moulay Lahcène et de faire les sept tours de la «waâda» à bord de son camion autour de l?édifice, comme le font tous les autres chauffeurs quand ils viennent à Tam.