Il y a 50 ans aux Canaries, les bateaux des candidats espagnols à l'émigration faisaient le chemin inverse de celui qu'empruntent actuellement les embarcations chargées d'Africains qui débarquent quotidiennement sur l'archipel espagnol. Des milliers de Canariens fuyaient alors le franquisme et la misère, risquant leur vie pour traverser l'Atlantique de manière clandestine, principalement vers le Venezuela. Mais avant beaucoup d'entre eux se réfugiaient pendant quelques mois ou années en Afrique. Entre 1948 et 1958, 70 000 Canariens ont pris la mer, dans des conditions comparables à celle des immigrés africains d'aujourd'hui, sans passeport et dans des embarcations vétustes. Certains réfugiés politiques ont été accueillis dans des pays africains comme le Liberia et le Sénégal où ils ont travaillé pour rassembler assez d'argent pour pouvoir partir ensuite vers l'Amérique latine. Un des premiers bateaux d'émigrants canariens arrivés à Dakar en 1948 était équipé d'un moteur de voiture, raconte l'historien Ricardo Garcma Luis, auteur de deux ouvrages sur le sujet. Ses passagers ont travaillé pendant trois mois au Sénégal, précise l'historien, avant de s'emparer d'un navire de contrebande en provenance de Las Palmas et de repartir vers le Venezuela. La presse vénézuélienne faisait alors des titres comme: «160 immigrés clandestins des Canaries arrêtés au Venezuela.»Les Espagnols trouvaient du travail rapidement en Afrique, au contraire de ce qui se passe aujourd'hui pour les Africains sans papiers en Espagne.