Dépourvues d'harmonie, d'esthétique et de services publics suffisants, nos villes se dépersonnalisent de plus en plus aujourd'hui. Elles se clochardisent et se caractérisent par leur laideur, la saleté et l'asphyxie. Les raisons de cette situation sont multiples et le résultat est que le citadin — du reste responsable, en partie, de cet état de fait — vit mal. Jadis séduisantes et rayonnantes, symbole de civilisation et de modernité, les villes algériennes ont perdu leur cachet pour incarner de nos jours l'inconfort, l'asphyxie, l'insécurité… Les nuisances ne font que se concentrer dans des espaces urbains aujourd'hui réduits en maux sociaux qui défraient chaque jour la chronique. Le chaos est attendu pour 2025, redoutent des urbanistes avec une explosion démographique jamais égalée dans les villes. Faut-il dès lors tout imputer à la seule croissance démesurée et hallucinante de la ville ou alors appréhender le problème sous ses contours les plus complexes ? En tout état de cause, un grand nombre d'anomalies ont été occasionnellement citées par les chercheurs dans leurs différents travaux. Dans leur constat, on dénombre pêle-mêle : habitat inadapté, urbanisation incontrôlée, pollution, incidences négatives sur le cadre de vie, maux sociaux les plus terribles et croissance débridée. Le résultat est que nos agglomérations urbaines, de par leurs nombreux dysfonctionnements, offrent un cadre bâti dans un espace en plein désordre que ni les instruments d'ordre juridique, réglementaire et technique, ni les actions de construction et d'aménagement, n'ont pu éliminer. Les disparités sont en rapport étroit avec l'équipement et le confort, la pénurie, l'exclusion et les fléaux qu'on inscrivait depuis longtemps au passif des pouvoirs publics qui n'ont pas su et surtout qui n'ont pas pu développer et gérer la ville et la vie communautaire. Si la ville est à la base du développement économique et social, ses mutations ont été trop rapides pour pouvoir être contrôlées. Elle se trouve aujourd'hui confrontée à une série de problèmes tels que la dégradation du cadre de vie et des équipements, la défaillance des services publics, l'exclusion sociale et la violence urbaine, accréditant malheureusement l'idée d'une véritable «crise urbaine». La mosaïque socioculturelle des villes algériennes se présente depuis longtemps sans harmonie. Des noyaux traditionnels (médinas, ksour quand ils existent), des noyaux coloniaux, des lotissements en bordure de quartiers anciens, l'autoconstruction et les bidonvilles se côtoient dans un parfait tohu-bohu. Ilot par îlot, la ville algérienne perd ainsi sa mémoire et même son identité. Le cas le plus dramatique de désapropriation spatiale concerne les grands ensembles conçus d'une façon stéréotypée et sans âme. La grande diversité régionale de leurs habitants et leur morphologie (espace extérieur non aménagé, peu d'équipements) ne permettent pas l'émergence d'une vie de quartier. Le cas des quartiers périphériques, réalisés en autoconstruction, occupant un créneau à mi-chemin entre le lotissement et le bidonville, constitue un exemple édifiant en matière d'appropriation de l'espace et une illustration des pratiques illicites et informelles. De cette urbanisation non maîtrisée émerge une image dépréciée de l'espace urbain et ce, en dehors de tout contrôle.