Test Il fut un temps très lointain où le jugement porté sur un postulant au métier d?enseignant ne concernait que sa capacité à maîtriser les connaissances qu?il avait à transmettre à ses élèves. La France, et dans l?Europe du XIXe siècle, il était mal vu qu?un instituteur puisse posséder un savoir supérieur à ce minimum scolaire. La sélection des candidats au poste d?enseignant, dans ce cas de figure, est aisée à réaliser. Il suffisait de leur faire subir un examen de recrutement qui testait leur niveau de connaissances. Un point c?est tout. A l?époque, le recrutement s?appuyait aussi sur des capacités physiques pour éliminer les candidats présentant des infirmités. Avec l?avènement, au début et dans la première moitié du XXe siècle, de la psychologie moderne et de son usage en pédagogie pratique, les critères de sélection se sont transformés. Certes, on a continué à exiger le niveau académique pour être instituteur (le brevet, puis le bac et, de nos jours, la licence), mais ces critères ont débordé sur des aspects liés à l?attitude envers le métier, le caractère, la relation avec les enfants. Ainsi est né le concept de vocation qui détermine pour l?essentiel la réussite d?une carrière dans la profession. Il faut vraiment aimer travailler avec les enfants ? on peut les aimer, mais détester travailler avec eux ? pour devenir enseignant et s?épanouir dans cette profession. Le bon enseignant Des études poussées, car étalées sur des décennies, menées dans des pays scandinaves, ont démontré que de brillantes notes en fin de formation initiale ne prédisent pas de façon systématique le succès dans le métier. Et de conclure que les critères de sélection avant formation (diplômes et examen de niveau) peuvent, à la limite seulement, prédire le succès du postulant à la fin de sa formation de base. On ne saura pas si sa carrière sera jalonnée de réussites. Les auteurs ont conclu par cette affirmation : «Il est plus facile de définir l?inaptitude à l?enseignement.» Et ce, pour la simple raison que le trait commun aux enseignants qui réussissaient le moins bien «était leur manque de compréhension des enfants et leur manque d?aptitude à structurer une situation d?enseignement». On revient sur ces fameuses compétences dont doit disposer l?enseignant dans les domaines de la didactique, de la pédagogie et de la psychologie. Mais qu?est-ce qu?un bon enseignant ? Un éminent spécialiste belge, Gilbert de Landsheere, le décrit comme suit : «(?) C?est celui qui suscite chez ses élèves la plus grande quantité d?apprentissages de la meilleure qualité», pas seulement cognitifs. Et d?ajouter : «Mais aussi sur les plans affectifs, psychomoteurs (?) des apprentissages durables.» Un enseignant, qui axe tous ses efforts pour ne développer que la mémoire de ses élèves et leur transmettre ainsi (leur faire stocker) un maximum de connaissances, passe à côté de l?essentiel. Certes, il ne faut pas négliger cette faculté (la mémoire). Mais il n?en demeure pas moins que l?épanouissement de la personnalité d?un enfant (ou d?un adolescent) ne peut souffrir d?un déficit en processus intellectuels dits nobles tels que la créativité, l?analyse, la synthèse, le jugement, l?esprit critique, le sens de l?observation. Le profil de l?enseignant à sélectionner d?abord (conditions de recrutement) et à former ensuite dépend en réalité du profil de l?élève à éduquer et à instruire. Ce qui nous amène inéluctablement à lier la stratégie de la formation des enseignants aux finalités assignées au système éducatif. Vous avez dit projet de société ? Il est inscrit en filigrane dans toute stratégie de formation des enseignants. Qu?on le veuille ou non.