Cette thèse, qui remonte à Renan, a évolué dans ses nuances, mettant aux prises les sémitisants en d'âpres controverses lorsque les documents de Ras Shamra vinrent reposer la question dans toute son ampleur et la remettre sur le plan de l'actualité scientifique. Il est clair qu'il ne peut être question de reprendre ici le débat ni de porter un jugement de valeur sur ces références. Qu'il suffise de rappeler que pour l'islam, Abraham est l'emblème même de la prophétie. Son existence et son apostolat ne relèvent ni des fables ni des fictions. C'est un personnage historique ; son message révélé est un appel solennel au monothéisme et une dénonciation de l'idolâtrie. A quelle époque vivait Abraham ? Sur ce point, les sources juives comme les sources musulmanes sont incertaines, contradictoires et souvent invraisemblables. Selon les unes et les autres, Abraham serait né en 1263 après le Déluge, descendant par Sem de Noé à la dixième génération. Il mourut à l'âge de 175 ans, selon les chiffres toujours exagérés de la Bible, et serait enterré à Hébron, bourgade de l'actuelle Jordanie, devenue depuis un lieu de pieuses visites. D'après les chrétiens, il aurait vécu à une date difficile à préciser, mais qu'on pourrait situer autour de l'an 2 000 avant Jésus-Christ. Sa naissance en un pays où régnait l'astrolâtrie présente quelques analogies avec celle de Moïse et le fait, en lui-même, est assez troublant. Lui aussi est né dans une villeappelée Ur, à un moment où, à la suite d'un rêve annonciateur de malheurs, le roi local Nemrod, constructeur de la légendaire tour de Babel, avait ordonné de mettre à mort tous les nouveau-nés, comme le pharaon plus tard, à la suite d'un songe annonciateur de la naissance de Moïse. Sa mère le mit au monde dans une grotte et c'est là qu'il resta caché jusqu'au jour où, malgré son jeune âge, il se mit à méditer sur l'origine et le devenir du monde. Il ne tarda pas, la grâce divine aidant, à lui attribuer un sens et un créateur qu'il se fit un devoir de découvrir et de connaître. Le peuple d'Abraham adorait les astres. Il refusa de prendre pour de véritables divinités le Soleil, la Lune, un être quelconque ou un objet voué à disparaître. Pour lui, Dieu ne peut être que présent partout et en tout temps. Sa recherche et sa découverte ont un sens profond : l'homme, de par sa nature, est toujours en quête d'un dieu. De par lui-même, il est incapable de le rencontrer et s'égare bien souvent. Malgré son effort et sa volonté, il ne peut parvenir à son but que si Dieu Lui-même se révèle à lui. Infini dans ses vœux mais borné dans sa nature, il ne peut, sans la grâce divine, accéder à l'absolu. Tout autre moyen n'est qu'erreur et illusion. L'effort personnel est méritoire, mais son succès dépend de cette grâce qui fait d'Abraham un khalil, un homme sincèrement épris de Dieu. (à suivre...)