Cette année encore, la fin du ramadan n'est pas la même pour tous d'un pays à un autre et parfois même au sein d'un même pays. De mémoire de musulman, jamais ramadan n'a été entamé ou achevé sans ce fond d'incertitude avec la désormais coutumière manie de célébrer la fête de l'Aïd El-Fitr en rangs dispersés. Le commencement et la fin de ce mois religieusement béni, sont depuis des lustres suspendus, tous deux, à un croissant lunaire qui n'apparaît malheureusement que pour confirmer, si besoin est, que le monde musulman est incapable de se mettre d'accord au moins sur un jour pourtant sensé être synonyme de «communion», celui de l'Aïd El-Fitr. Jugeons-en : certains pays musulmans fêtent l'Aïd aujourd'hui. C'est le cas, entre autres, de la Mauritanie, la Tunisie, la Palestine et l'Arabie Saoudite. Une autre partie va le célébrer demain, comme c'est le cas de l'Egypte, du Maroc, de la Libye et de l'Algérie. En revanche, dans certains pays, l'Aïd divise la société en deux, tout simplement parce que deux organisations dont l'influence n'est jamais contestée n'arrivent pas à tomber d'accord sur la date exacte de l'heureux événement : ce cas insolite a eu lieu ce matin en Indonésie où des dizaines de millions d'Indonésiens ne savaient pas qui croire et laquelle, entre les deux organisations, disait la vérité au peuple. Résultat : la moitié des Indonésiens fêtent l'Aïd aujourd'hui, l'autre ne le fera que demain. En somme, un suffocant imbroglio autour d'un croissant pris au piège par la dichotomie religion-science que les érudits musulmans déclarent pourtant indissociable mais qui n'a de cesse d'alimenter les polémiques les plus invraisemblables, comme pour nous faire croire que le consensus ne peut en aucun cas être atteint, laissant tout le monde sur sa faim. En Algérie, par exemple, il est difficile d'admettre qu'on ne peut dire «Aidkoum Mabrouk» à un parent établi en France tout simplement en raison de calculs et de calendriers différents alors que par le passé, les fêtes religieuses étaient une occasion unique pour nos expatriés de rétablir les liens et de reprendre contact avec les proches parents et les amis. Présenter ses vœux aujourd'hui 24 heures à l'avance pour nous ou demain en retard de 24 heures pour notre communauté en France n'a évidemment pas la même saveur ni le même charme. Et tout cela c'est faute d'une communion jamais retrouvée et dont on impute l'absence à un croissant qui passe et repasse pourtant tous les ans.