Rencontre n Le patrimoine culturel amazigh a fait l'objet d'un débat hier au Salon du livre. Mohand-Akli Haddadou, docteur en linguistique, pose la question suivante : «Qu'entend-on par patrimoine ?». Et de répondre aussitôt : «C'est une notion un peu galvaudée, parce que l'on a tendance à l'utiliser comme on parle de mille et une choses.» Effectivement, le vocable patrimoine est utilisé, chez nous, en Algérie, à tout-venant et dans tous les contextes. Il est donc essentiel pour l'intervenant de clarifier, fixer scientifiquement et méthodologiquement les choses en vue de dissiper les confusions. Et de rappeler que le mot patrimoine est «une notion récente, parue en Europe en 1910, et que ce n'est qu'en 1980 qu'elle est tombée dans le grand public, alors que la notion du patrimoine est apparue, en Algérie, dès les années 1990». Parler du patrimoine, c'est évoquer cette histoire et cette mémoire qui s'expriment à travers les monuments et vestiges, les us et coutumes, la langue, les contes, les croyances et les récits légendaires, la religion, les chants, les costumes, la musique et toutes les pratiques sociales et artistiques. En fait, le mot patrimoine suppose tout ce legs laissé par nos ancêtres. Dans ce sillage, l'orateur a distingué deux genres de patrimoine : le premier est palpable, matériel, à savoir les vestiges historiques et les ruines archéologiques ; le second est intangible, à l'exemple de la musique et des chants. Ensuite, Mohand-Akli Haddadou a relevé la problématique du patrimoine culturel amazigh : serait-il une entité à part entière ou fait-il partie intégrante du patrimoine culturel algérien ? Souvent, les gens font la distinction entre le patrimoine culturel amazigh et le patrimoine culturel algérien ; ils parlent du premier indépendamment du deuxième, comme s'il s'agissait de deux choses différentes, étrangères l'une à l'autre, alors que d'emblée celui-ci constitue un complément à celui-là. C'est-à-dire que le patrimoine culturel amazigh fait partie de cette globalité, qu'est le patrimoine culturel algérien. Le conférencier indique, par ailleurs, que le berbère constitue un substrat sur lequel sont venus se greffer, de tout temps, et ce, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, des référents culturels issus d'horizons divers ; le berbère est un fond dans lequel se sont déposés des sédiments de la culture de la période antérieure à l'Islam, puis ceux de la période arabo-musulmane, ensuite ottomane et enfin moderne et contemporaine. Ainsi, et en dépit des bouleversements et ruptures historiques, la culture berbère se retrouve et se manifeste, d'une manière comme d'une autre, à travers notamment l'onomastique, c'est-à-dire les noms de lieux et les prénoms de personnes. «La culture berbère apparaît également dans la littérature orale (contes, chants…) ou encore dans l'art culinaire», a-t-il souligné, ajoutant que «même la langue arabe (le dialecte algérien) porte en elle l'influence de la culture berbère, et cela est perceptible au niveau de sa phonétique, du lexique et des expressions porteuses de croyances et de légendes». Ainsi, l'on ne peut dissocier le patrimoine culturel amazigh de l'ensemble ; bien au contraire, il faut envisager le patrimoine culturel algérien dans sa pluralité de concevoir la personnalité identitaire de l'individu. Le patrimoine algérien est une mosaïque de cultures, une tresse d'histoires, de référents linguistiques variés ; d'imaginaires divers et des sensibilités multiples. Il faut concevoir l'Algérien dans sa richesse et sa diversité.