Société n L'analyse de l'état du lien social dans notre société et la relation de l'individu avec la religion, la politique et le savoir ont été au cœur du débat qui a réuni les sociologues des différentes universités du pays. Plus de 40 ans après l'indépendance, les structures traditionnelles, à savoir la tribu, la famille et le village autour desquels s'articulaient autrefois les échanges entres les individus dans notre société ont été fortement ébranlées ces dernières années, constatent les nombreux sociologues présents hier au colloque national sur le thème : «Le lien social dans la société algérienne» à l'université de Bouzaréah. On est, selon le sociologue Khelifa Bouzebra, encore loin de cette société «où l'individu serait réduit à un grain de sable perdu dans l'atmosphère». Aujourd'hui, poursuit-il, «le seul lien efficace et dominant est cette nébuleuse d'alliances personnelles qu'à défaut d'un concept qui puisse en rendre compte d'une manière scientifique». Le lien social est un indicateur de l'état d'une société, s'accorde à dire les participants à cette rencontre qui estiment que la situation en Algérie est en pleine crise, souvent difficile à définir. Par définition sociologique, le lien social est «une relation qui lie un sujet doté de qualités, de capacités, qui se traduisent généralement par son niveau d'instruction et de culture, avec des institutions à savoir familiale, professionnelle, son rapport avec lui-même, voire avec son Etat...», explique Mme Fatma Oussedik sociologue au Centre de recherches en économie appliquée à l'Université d'Alger. Tous ces liens cités ci-dessus sont, indique-t-elle, «en crise qui n'est pas forcément négative, puisqu'il s'agit d'une crise de maturation où une société donne naissance à elle-même dans la douleur parfois». La grande difficulté, selon notre interlocutrice, réside dans «la mise en cohérence idéologique de toutes les transformations observées au sein de notre société». Autrement dit, «les textes juridiques et le discours moral sur la famille continuent d'avoir des liens très fort avec une situation antérieure de la société qui repose sur le patrimoine rural, la grande famille, les hommes qui protègent les femmes, etc.» Mais la réalité est tout autre. ? ce sujet, elle citera l'exemple des nombreuses femmes SDF. «Face à ce genre de situation, on est en droit de se demander où sont ces hommes qui devaient protéger les femmes ?» s'interroge-t-elle. Le chercheur Tayeb Rehaïl de l'université de Constantine a axé, quant à lui, sa communication sur les liens tissés autour des jeunes chômeurs qui «malgré un vécu quotidien qui tend souvent à être stéréotypé dans les médias par toutes les formes de l'exclusion sociale (frustration, misère sociale, désespoir et haine, la position effective de ces jeunes dans un réseau de fréquentation assez dense tel que le cercle familial, amical, de recherche d'emploi …) leur permet de rester lié avec les acteurs sociaux qui animent chacun des différents milieux», confirme-t-il. Les relations de ces jeunes avec la société qui constitue ces différents milieux sont, selon lui, loin d'être des relations d'assistanat, mais plutôt d'échange et d'aide réciproque.