Mémoire n Il semble que la France tend, de plus en plus, à réviser son histoire coloniale, notamment son passé avec l'Algérie et ce, à travers le cinéma. Cela était, il y a quelques années, impensable. Effectivement, la France n'autorisait pas les cinéastes à aborder en images la Guerre d'Algérie, une période qui, longtemps occultée, voire niée, fait tache dans l'histoire de la France. Une guerre perdue d'avance. Ceux qui, en revanche, se hasardaient à en parler – et donc à évoquer la torture – étaient, à l'instar de René Vautier, bannis du cercle cinématographique français. Ils étaient vus comme des hérétiques, voire des traîtres. Il se trouve que, depuis quelques années, la situation a changé : on ose parler de la Guerre d'Algérie – un conflit qui a fait, du côté français, selon des estimations, 25 000 victimes – et évoquer, du coup, la torture, pratique que l'opinion française ne cessait de nier. Aujourd'hui, notamment après la reconnaissance officielle de la Guerre d'Algérie par le Parlement français, des cinéastes s'enhardissent, parlent, ouvertement et sans tabou, d'un conflit qui a sacrifié toute une génération. Une cause jugée aujourd'hui par la majorité (hormis l'extrême droite) infondée. L'on cite parmi ces réalisateurs Philippe Faucon avec La Trahison et Laurent Herbiet avec Mon Colonel, projeté actuellement dans les salles (El-Mougar). Tous racontent la Guerre d'Algérie par devoir de mémoire et surtout par souci de vérité. C'est-à-dire tout dire sans effacer les atrocités de l'occupant et surtout l'échec de la vision coloniale en Algérie. Florent Siri est un autre réalisateur qui s'inscrit, lui aussi, dans cette vision critique du conflit armé avec L'Ennemi intime ; ce film est une adaptation d'un documentaire de Patrick Rotman. Il évoque sans équivoque les atrocités de l'armée française en Algérie. En fait, c'est l'histoire d'un officier qui va découvrir, d'événements en événements, une guerre et ses crimes, c'est-à-dire la torture. Ce même officier, pris dans la spirale de la guerre, finit par prendre conscience que l'ennemi n'est peut-être pas l'autre, mais soi-même. La France commence, peu à peu, à se réconcilier avec son passé colonial et notamment avec son histoire liée à la Guerre d'Algérie. Et si le gouvernement s'obstine jusqu'à présent à garder le silence sur les exactions commises pendant le conflit, le cinéma, quant à lui, dénonce la torture et, en conséquence, reconnaît ouvertement les crimes de différentes natures perpétrés à l'encontre des Algériens. Il serait intéressant que le cinéma français ait davantage de courage et d'audace pour aller jusqu'au terme de son œuvre : évoquer tous les crimes de la colonisation, et ce, depuis la conquête en 1830 jusqu'aux massacres du 8 Mai 1945.