Histoire n Le tapis algérien diffère d'une région à une autre et dans sa technique de confection et dans son usage ; il y a des tapis ruraux, citadins, bédouins ou nomades. En Algérie, terre millénaire, «diverses cultures se sont affrontées, mêlées...», déclare Samia Zennadi Chikh, archéologue et responsable, avec son mari Karim Chikh, des éditions Apic. Et d'ajouter : «Les faits historiques, dont l'Algérie a été le théâtre, lui confèrent une identité culturelle très spéciale, perceptible dans l'art populaire en général et visible, particulièrement, dans l'art du tapis.» «Issues des mouvements de l'âme, chaque couleur, chaque forme témoignent de ce long travail obscur d'emprunts, d'interprétations et de réactions par lesquels s'est défini et s'est sans cesse enrichi un art algérien, miroir d'un vécu, né de la symbiose des peuples et des cultures les plus divers», poursuit-elle. Ainsi, est née l'idée de faire un livre intitulé, Au fil des temps, pour parler d'un art, d'un patrimoine, donc d'une identité qui, d'année en année, disparaît et se dilue à jamais dans l'oubli. Au fil des temps, ce livre, paru aux éditions Apic, raconte le tapis algérien et à travers l'histoire et à travers la géographie, c'est-à-dire sa région d'appartenance. «Ce travail de deux années de recherche a pour souci de mettre en valeur le tapis algérien – un art méconnu – qui fait la richesse de notre patrimoine», explique-t-elle, ajoutant que cela «est un voyage à travers le temps et qui nous raconte l'histoire de cet héritage dont les origines lointaines se fondent et se confondent». «Je cherche à exhumer une mémoire longtemps ignorée, à faire connaître un savoir-faire typiquement algérien», souligne-t-elle. Le tapis, selon Samia Zennadi Chikh, n'est pas seulement une étoffe tissée de laine que l'on utilise pour couvrir le sol ou encore pour prier, ou bien un objet de décoration, mais il joue un rôle social particulier, il a une fonction et cela tout dépend de ses besoins de son utilisation. «Le tapis est utilisé de manière diverse», explique-t-elle, ajoutant que «certains tapis sont utilisés comme lit ou comme couverture. Généralement roulés pendant la journée, on ne les déployait que le soir pour se coucher. Il y a des tapis qui étaient utilisés pour orner la selle en bois des méharis. D'autres pour supporter le faîtage de bois où viennent s'encastrer les poutres de soutien ». Il est à souligner ainsi que le tapis algérien diffère d'une région à l'autre et dans sa technique de confection et dans son usage ; il y a des tapis ruraux, citadins, bédouins ou nomades. Toutefois, Samia Zennadi Chikh déplore que la technique de fabrication du tapis a disparu pour certains, et tend à se perdre pour d'autres. «C'est un savoir-faire qui disparaît. Il y a des tapis qui ne se font plus aujourd'hui parce que la technique de fabrication a été perdue», regrette-t-elle. Ainsi l'art du tapis, comme le tissu, s'use, s'effiloche au fil des temps ; et si aucune mesure n'est entreprise en vue de le préserver contre la perte et l'oubli, il disparaîtra à jamais de nos pratiques culturelles. Samia Zennadi Chikh reste néanmoins optimiste. «Il faut exhorter les artisans à renouer avec cet art», dit-elle, suggérant que «cela peut se faire si les portes des musées (Musée national des antiquités et Musée national des arts et traditions populaires) où sont gardés les anciens tapis leur sont ouvertes. En les examinant et en les étudiant de plus près, les artisans peuvent récupérer les techniques disparues». Le tapis est une part de nous. Il constitue une part de notre histoire, une passerelle de notre mémoire. Le tapis algérien témoigne «d'une terre singulière où se sont rencontrés, depuis des temps très lointains, des hommes de diverses origines», relève Samia Zennadi Chikh. Et de conclure : «Ils (ces hommes) ont réussi, au fil du temps et avec l'apport de plusieurs générations, à tisser avec leurs différences un espace d'appartenance, une Algérie où même ceux qui lui sont étrangers se sentent quelque part chez eux.»