Intervention n Samia Zennadi Chikh, responsable des éditions APIC aux côtés de Karim, son mari, parle, dans cet entretien, des nouveautés et du choix porté sur des auteurs africains. InfoSoir : Que deviennent les éditions APIC ? Samia Zennadi Chikh : Nous n'avons édité que deux essais en 2008, lancement de la collection «Dissonances», Impérialisme humanitaire du physicien belge, Jean Bricmont, préfacé spécialement pour l'édition algérienne par Noam Chomsky et Le nettoyage ethnique de la Palestine de l'historien israélien Ilan Pappe que les critiques et les spécialistes considèrent comme l'essai de l'année 2008. La nouveauté est Peuls du grand écrivain guinéen Tierno Monénembo, sorti dans «Résonances» la collection de littérature africaine. Après les auteurs algériens, les éditions APIC s'intéressent aux auteurs africains. Nous n'existons que depuis mars 2003 et nous avons toujours cultivé le rêve silencieux de rapatrier des textes africains porteurs de sens. Notre projet a abouti en 2007 parce que «Alger capitale de la culture arabe» nous a permis d'avoir les petits moyens financiers pour lancer «Résonances» avec Sami Tchak le Togolais, Anouar Benmalek et Hamid Skif les deux Algériens qui sont également Africains et qui y ont trouvé leur place naturelle géographique et culturelle. Aussi, ce choix des titres du lancement de la collection de littérature africaine par la présence de ces deux grands écrivains algériens brise certains lapsus qui situent l'Algérie dans un contexte extra-africain. L'ouverture est notre choix éditorial, sortir des murs est aussi notre démarche et notre histoire avec la littérature africaine qui n'est pas liée à l'organisation du Panaf en 2009. Pourquoi un tel intérêt pour la littérature africaine ? Dépasser les contours d'une certaine littérature algérienne, la critique littéraire absente aidant, est aujourd'hui pour nous nécessaire et c'est aussi un moyen de se mesurer. La littérature de notre continent, qui s'écrit, s'édite et se lit sans l'Afrique, est une frontière à découvrir, à franchir par l'ouverture qui doit être un choix éditorial réfléchi et non un air conjoncturel. Par quoi ce choix a-t-il été motivé ? Le choix se fait d'abord par la lecture parce que nous éditons des textes et non pas des noms. Aussi, avons-nous eu la chance de rencontrer ces auteurs à Alger, à Paris mais aussi à Bamako, à savoir Sami Tchak ou Tierno Monénembo. Quand nous avons eu ce genre d'échanges avec ces deux auteurs pour ne citer que ces deux monuments, nous avons souhaité leur offrir, sans prétention aucune, une visibilité en Algérie. Y a-t-il un point commun entre la littérature algérienne – ou maghrébine – d'expression française et la littérature africaine ? Les deux sont nées et évoluent dans un contexte culturel multilingue. Elles sont souvent liées à l'errance de l'écrivain africain. La majorité des grands noms de la littérature africaine évoluent et écrivent en exil, une constante qui constitue une dynamique car l'écriture se fait non seulement dans la langue de l'autre, mais permet d'articuler le français, langue du colonisateur, et l'identité africaine. Depuis les pères fondateurs de la littérature africaine, les écrivains tentent de mettre dans la langue de l'autre quelque chose d'eux-mêmes et c'est pour cette raison que nous ne voyons aucune frontière entre le Maghreb et le reste de l'Afrique.