Interrogation n Combien maîtrisent réellement ce métier ? La plupart l'ont appris sur le tas, perfectionnant, au fil des ans, leurs connaissances. D'autres stagnent, assimilant cette activité à une simple formalité de vente. Dehors, une chaleur torride étouffe les passants qui hâtent le pas et trouvent refuge dans la librairie Ibn Khaldoun, située rue Didouche-Mourad. Musique classique, climat frais et gens accueillants. «Pour moi, c'est une escale nécessaire», avoue une dame, couffin à la main, sueur au front. Elle souffle. Les rayons, riches en collections, proposent des ouvrages pour tous les goûts et tous les âges : littérature, livres d'histoire, pour enfants, etc. Une dame à la caisse, ses deux collègues postés chacun d'un côté, conseillent les clients, échangent des avis avec une rare courtoisie. Le personnel est composé d'anciens cadres de l'Enal dissoute, qui ont repris la librairie en s'installant à leur compte, en 1999. Au bout de quelques années, leur professionnalisme et leur crédibilité feront le reste, battant en brèche cette stupide idée selon laquelle les Algériens ne savent pas s'associer entre eux. «On partage cette passion pour le livre», affirme Madame Soal, l'une des cinq associés de la librairie, dont chacun totalise au moins 20 ans de métier. Quelques mètres plus loin, la librairie El-Ghazali offre pratiquement les mêmes conditions que la précédente. Le responsable, Sid-Ali Sekheri, psychologue de formation, affirme que ce métier est «le plus beau, le plus passionnant au monde», soulignant que libraire signifie «passeur de texte et d'émotion». La librairie s'affirme par son dynamisme. Plus de 220 ventes dédicaces y ont été organisées depuis six ans. Sid-Ali estime que le lectorat algérien est formé en grande majorité de filles. «La librairie est un espace féminin, explique-t-il, les hommes ont les stades, cafés, etc.» Un constat que ne partage pas Malik Belantour, responsable de la librairie Ijtihad, qui affirme que de manière générale, les Algériens sont des lecteurs, mais la cherté des livres n'arrange pas leurs affaires ; de plus, le choix est limité. Ceci s'explique, selon lui, par le manque de concertation entre les importateurs et les libraires. Le métier de libraire demande une certaine culture pour orienter les lecteurs, estime-t-il, expliquant que «les clients optent, souvent, pour nos choix». Inversement, «ils nous demandent de ramener tel livre de telle collection», explique-t-il. A la Maison de la presse, face à la Grande-Poste, le gérant est un militant du livre. «Mon mari s'est séparé de son associé lorsque ce dernier a voulu transformer la librairie en pizzeria», explique Madame Bouksani, qui souligne qu'elle ne «regrette rien» en travaillant avec son mari ; «ce métier est riche et permet de se cultiver au contact des autres».