Marginalisation n Les maladies mentales peuvent toucher n'importe qui. Mais dans une société comme la nôtre, l'influence des mœurs et des traditions accentue l'isolement du malade mental. D'abord dans la famille. «Nombreux sont ceux, en Algérie, qui pensent toujours qu'avoir un malade mental dans sa famille est une honte, une tare… Les autres membres ont peur des réactions de leur entourage. Tout le monde pense que les autres les prennent pour des fous ou en voie de le devenir comme leur malade. C'est tout à fait faux», explique le Dr Laroussi, psychiatre au centre psychiatrique de Dély Ibrahim. C'est ainsi que le malade mental est exclu par les siens avant de l'être par les autres. Le docteur Kacha, de l'hôpital psychiatrique de Chéraga, a donné une explication pour les malades mentaux errants et vagabonds : «Ils sont désocialisés. Très souvent, ils ne restent pas dans leur localité. C'est pourquoi, la majorité des malades mentaux, qui sont dans les grandes villes, sont venus d'un peu partout. Leurs familles se soucient rarement de leur sort. Selon elles, ils ne font plus partie des gens normaux et il vaut mieux qu'ils aillent loin, pour qu'elles se débarrassent d'une charge sociale et morale.» C'est d'ailleurs le même cas dans les hôpitaux psychiatriques. Le docteur Kacha a souligné que cela est dû aussi au manque d'infrastructures dans les régions éloignées des grandes villes. «Il faut fixer les malades mentaux près de leur domicile. Comme cela, ils auront des liens sociaux avec leurs proches. Les relations sociales sont très importantes pour un malade psychiatrique qui a besoin, plus que jamais, de sa famille.» Outre la famille, l'entourage du malade mental joue aussi un grand rôle dans son isolement et diminue ses chances de guérison. «Le mouvement associatif ne joue pas non plus son rôle dans la protection de cette catégorie de la société. C'est une question de mentalité, et il faut que cela change le plus tôt possible. On sait très bien que la décennie noire a laissé beaucoup de séquelles et a fait trop de victimes (des malades mentaux, des dépressifs…). «Aujourd'hui plus que jamais, le mouvement associatif doit jouer son rôle et se mobiliser en force pour la protection des droits des malades mentaux. Il ne faut pas oublier que ces maladies ont touché, à la suite des années du terrorisme, des personnes faisant partie de l'élite : professeurs, intellectuels, penseurs… et le premier geste doit venir de leur famille», souligne la sœur d'un professeur d'université hospitalisé à Chéraga pour démence.