La société doit être protégée et il est légitime qu'un malade mental dangereux soit mis hors d'état de nuire. On ne dit pas aux malades mentaux : “on va vous protéger des réactions de la société”, ce qui relève du rôle de l'Etat, mais on dit à l'opinion publique : “nous allons vous protéger des malades mentaux”. On les appelle les schizophrènes, les aliénés, les malades mentaux ou couramment les fous. Ils sont partout : dans tous les coins et recoins de toutes les villes d'Algérie. Souvent agressifs par nature ou provoqués par le milieu social, ces malades représentent un vrai danger public. La majorité de ces malades, soit ont fugué, soit ont été relâchés par les hôpitaux psychiatriques qui sont censés connaître l'état et le degré de la dangerosité de ces malades. “C'est la faute aux pouvoirs publics qui ont adopté le système de désenfermement des patients et le développement des soins extérieurs. Aujourd'hui, les malades ne sont pas obligés d'être enfermés à vie. Ils pensent que maintenir le lien du patient avec sa famille et avec un environnement social, voire professionnel, peut l'aider. Les malades doivent être soignés et protégés. Les rares malades qui représentent un danger doivent en plus relever de mesures de sécurité”, selon un médecin. “La remise en liberté des malades, mentaux relâchés dans la foule au nom de la réadaptation, n'est pas une solution. Ces derniers restent un danger public et doivent être enfermés”, souligne une mère de famille qui ajoute : “Qu'attend l'Etat pour réagir ? Il doit trouver une solution à ces malades dont la majorité est dangereuse. Nous avons entendu parler de plusieurs assassinats et d'agressions de la part de ces derniers sur des enfants et des adultes. Ou faut-il plus de sang et de meurtres pour que les pouvoirs publics réagissent ?” Si l'on évoque ce sujet aujourd'hui, c'est pour l'associer à des épisodes de violence tragiques ces dernières années. Dernier exemple en date : celui d'un malade mentale qui a assassiné le petit Islam, âgé d'à peine huit ans, habitant la ville d'Aïn Taya, à l'est d'Alger. Une vieille dame a également été agressée par un aliéné en allant faire ses courses le matin au quartier de Bab Ezzouar. “Les malades mentaux possiblement dangereux ne doivent pas à mon sens être mis en liberté sous prétexte de réinsertion. Parce que le jour où il tueront quelqu'un, ce ne sera pas de leur faute mais de celle qui sont censé protéger la population”, selon le témoignage d'un habitant d'un quartier de la banlieue d'Alger. Mère d'une jeune femme dépressive, Ouardia ne sait plus à quel saint se vouer. “Je souffre le martyre avec ma fille. Elle me bat, elle casse tout à la maison et sort quand elle veut. J'ai déposé plainte auprès du commissariat de notre commune, les agents m'ont répondu que ce n'est pas leur affaire et qu'ils ne peuvent pas intervenir. Même pour l'enfermer dans un centre psychiatrique, il n'est pas possible car son médecin traitant estime qu'elle peut prendre juste des médicaments. Mais ces derniers ne font pas beaucoup d'effet.” Il est à souligner que cette jeune femme vient d'accoucher d'un garçon que la maman refuse d'adopter. Chose qui provoque des crises de folie chez la malade qui bat sa mère. Malek est également malade mental. Pris en charge par sa famille depuis son enfance, aujourd'hui elle sont dans l'incapacité de le contrôler. “Nous avons pu l'enfermer au niveau de l'hôpital psychiatrique de Chéraga en contrepartie d'une somme d'argent que nous donnons à certains employés pour qu'ils acceptent de le garder”, nous raconte son frère. La prise en charge au niveau des établissements spécialisés a été évoquée par plusieurs personnes ayant un malade mental. “On nous dit souvent qu'il y a un manque de lits, que ces centres sont complets ou que mieux vaut que le malade soit chez sa famille pour une meilleure prise en charge.” Par contre, des employés de certains centres avouent qu'il y a des fugues, et pour certains responsables c'est tant mieux parce qu'aujourd'hui, “on ne prend plus un malade en souffrance, mais un client qui doit être rentable à travers des soins donnés”, souligne une source. Entre sa dangerosité et sa souffrance, le malade mental est beaucoup plus victime qu'acteur de délits ou de crimes. Les malades mentaux sont soumis à au-moins deux fois plus de violence que les autres, que ce soit de la part de leurs proches ou de gens croisés dans la rue. La plupart des crimes affreux sont le fait de personnes à qui l'on a prescrit des psychotropes. On devrait en premier lieu faire de la pédagogie et annoncer à nos jeunes que le cannabis est un révélateur de schizophrénie. Cela étant enseigné, le nombre de schizophrènes pourra être diminué et le suivi des malades sera facilité, selon un spécialiste qui explique qu'“un malade mental qui a tué reste un malade mental qui doit être soigné. Un malade mental ayant tué reste un malade mental qui doit être avant tout soigné, et non un criminel qu'il faut avant tout jeter en prison, quitte à le laisser tuer un codétenu. Une bonne analyse clinique des patients peut permettre généralement de prévenir les passages à l'acte. Il ne faut pas faire croire aux populations qu'on va les préserver du meurtre, de la folie, de la délinquance, parce qu'on enfermera un peu plus les fous”. Mais pour être soigné, ce malade a droit à un foyer de vie public ayant des moyens pour permettre un accompagnement humain respectueux de fou. En conclusion : on assiste à des crimes fous, quelles réponses peut-on apporter à ces situations ? F. A.