Résumé de la 23e partie n Denny Adler va à son rendez-vous avec Charley, avec lequel il a partagé une cellule de prison. Ce dernier veut lui confier une mission. Pour Charley c'était un long discours. Il avala une autre longue gorgée de bière. Denny commençait à se sentir mal à l'aise. «Qui ? — Neeve Kearny.» Denny repoussa l'enveloppe vers Charley comme si elle contenait une bombe à retardement. «La fille du préfet de police ? Tu es malade ? — La fille de l'ex-préfet de police.» Denny sentit la sueur mouiller son front. «Kearny a été en poste pendant seize ans. Il n'y a pas un flic dans toute la ville qui ne risquerait sa vie pour lui. Quand sa femme est morte, ils ont cuisiné jusqu'à un mec qui avait volé une pomme à l'étalage. Impossible.» Un changement presque imperceptible altéra la physionomie du Grand Charley, mais sa voix garda la même intonation gutturale et monocorde : «Denny, je t'ai dit que je n'oubliais jamais. Souviens-toi de toutes ces nuits à Attica, quand tu te vantais des mauvais coups que tu avais combinés. J'ai juste besoin de passer un coup de fil anonyme aux flics et tu n'auras plus jamais l'occasion de livrer un de tes minables sandwichs. Ne fais pas de moi un indic, Denny.» Denny réfléchit, se souvint et maudit sa grande gueule. Il effleura à nouveau l'enveloppe et pensa à Neeve Kearny. Il lui livrait ses repas à sa boutique depuis près d'une année. Au début, la réceptionniste prenait le sac, mais à présent, il se rendait directement dans le bureau privé, à l'arrière. Même si elle était au téléphone, Neeve lui adressait un sourire, un vrai sourire, pas un de ces petits hochements de tête pincés et dédaigneux dont le gratifiaient la plupart des clients. Elle lui disait toujours que tout était excellent. Et elle était drôlement belle. Denny repoussa d'un haussement d'épaules le moment de regret. Il n'avait pas le choix. Charley ne le balancerait pas aux flics, ils le savaient l'un comme l'autre. Le fait qu'il fût au courant du contrat le rendait trop dangereux. Refuser signifiait qu'il ne repasserait jamais le pont George-Washington en sens inverse. Il empocha l'argent. «Voilà qui est mieux, dit Charley. Quels sont tes horaires à la delicatessen ? — Neuf à dix-huit heures. Congé le lundi. — Elle part travailler entre sept heures trente et huit heures. Commence à traîner du côté de son immeuble. La boutique ferme à dix-huit heures trente. Souviens-toi, prends ton temps. On ne doit pas croire à un meurtre prémédité.» Le Grand Charley mit le moteur en marche pour regagner New York. Il retomba dans son silence coutumier, rompu seulement par le ronflement de sa respiration. Une irrésistible curiosité consumait Denny. Alors que Charley quittait le périphérique du West Side et traversait la Cinquante-septième Rue, il demanda : «Charley, t'as une idée de qui a lancé le contrat ? Elle a pas l'air du genre à marcher sur les pieds de quelqu'un. Sepetti a été relâché. On dirait qu'il a une bonne mémoire.» (à suivre...)