Analyse n «Depuis l'indépendance, nous avons produit un espace et nous ne nous sommes jamais arrêtés pour essayer de déterminer les erreurs que nous avons commises des années durant.», a affirmé Houria Bouhired. C'est en ces termes que Mme Houria Bouhired, présidente du Conseil national de l'ordre des architectes, a tenu à situer la problématique de la place de l'architecte algérien dans l'acte très technique de bâtir. «Aujourd'hui l'opportunité nous est offerte pour dire que la situation est grave. Où allons-nous avec cet espace qui ne reconnaît plus la griffe de l'architecte ou celle de l'urbaniste ?», a-t-elle martelé, elle qui juge «inconcevable de concevoir un produit sans l'avoir étudié au préalable» et elle qui s'époumone pour taxer de «ridicule le fait de réaliser 3 000 logements en deux mois» en référence au projet de 1,2 million de logements qui «ne devra pas être entre les mains des rapaces». Plus grave encore, Mme Bouhired affirme que «le monde du bâtiment est gangrené comme jamais par la corruption et les attributions de marchés de complaisance où seule la tchippa a son mot à dire». Tout en rappelant que les architectes «ne sont pas les ennemis de l'administration», l'oratrice estime que «lorsque l'on réalise des produits de souveraineté en passant souvent par un jury corrompu, ce sont finalement des deniers publics qui sont dilapidés». Pour étayer ses assertions, elle prend l'exemple de ces centaines de projets colossaux cédés de gré à gré à des architectes qui viennent à peine de sortir de l'école. «On a parlé du cas du BRC, mais il faut reconnaître que la corruption est généralisée dans le secteur du bâtiment». Dans les griefs énumérés, la présidente du CNA se dit étonnée de voir «l'Opgi et toutes les autres institutions décentralisées se mettre à faire de la promotion immobilière parce ce que c'est assez rentable alors qu'il y a lieu de donner ces opérations à des opérateurs autres que ceux des institutions décentralisées relevant du ministère de l'Habitat». En outre, Mme Bouhired tire à boulets rouges sur le code des marchés publics qui «est un code qui concerne les entreprises, mais qui est tout de même appliqué, du fait du manque de textes et de lois, aux architectes». «Avez-vous déjà entendu parler du cautionnement d'une production intellectuelle ? Ailleurs, nous n'avons jamais vu cela. Nous l'avons vu malheureusement en Algérie», s'est-elle insurgée, rappelant que l'application du code des marchés publics «met en porte-à-faux la loi 94-07 qui gère l'activité des architectes algériens». Cette histoire de code de marchés publics appliquée à l'architecte est, selon l'intervenante, une forme d'élimination directe. «Un architecte qui a des idées fortes, mais qui ne dispose pas de grands moyens financiers ne peut pas accéder à la commande ; car il n'a pas les moyens de cautionner sa production intellectuelle», a-t-elle argumenté.«Figurez-vous que nous formons un effectif de 7 000 architectes mais seulement 3 500 d'entre nous sont sur les terrains. Les autres sont au chômage», déplore-t-elle.