Conférence n Le chercheur et musicographe, Saâd El-Kenz a animé, hier, à la BN une conférence sur l'éminent musicien, Camille Saint Saëns occulté en France, mais dont les compositions restent célèbres en Algérie. Présidée par Amin Zaoui, la conférence-débat, programmée depuis un an, a dû être reportée pour différentes raisons. Après les salutations d'usage, le directeur de la BN s'est dit heureux d'accueillir en la personne du conférencier «un ami musicologue, universitaire et ancien cadre à l'ex-Sned dont l'intervention entre dans le cadre du dialogue entre les civilisations de l'Orient et de l'Occcident». De prime abord, Saâd El-Kenz - critique - dédiera sa communication à la mémoire de cheikh Mahieddine Bachtarzi qui évoque in situ dans ses mémoires sa rencontre avec la musicien, alors âgé de 84 ans. «Sa curiosité de la musique arabe le poussait plus à prendre qu'à donner, il vivait alors à l'hôtel Oasis où il s'était fait apporter un piano», écrit-il. S'appuyant sur le témoignage écrit du cheikh qui reste pour l'intervenant un véritable document qui ouvre des pistes et permet le décryptage du regard occidental sur le sens de notre patrimoine musical, l'orateur ajoute à propos du cheikh : à peine âgé de 22 ans : «Je restais avec son ami Charles de Galland, musicien et peintre, alors maire d'Alger. Saint-Saëns nous faisait chanter nos chants folkloriques. il était surtout surpris par le mode mazmoum», écrit Bachtarzi. Le très controversé compositeur C. Saint-Saëns, né en 1835, est mort en Algérie en 1921. Il était une sorte de Beethoven ou de Hayden français, qui avait légué à la postérité une immense œuvre de 169 opus. Un touche-à-tout qui manifestait, dès son enfance, son amour pour la musique exactement comme Mozart. Celui qui «musiquait le monde» – selon sa propre expression – en parfait organiste avait une faculté mnémonique phénoménale. Il composait à tout moment dans tous les genres musicaux pour n'importe quel instrument maniant la musique de chambre, les quatuors et laissé surtout plus de 119 mélodies dont les chefs-d'œuvre Mélodies persannes et de célèbres requiems. Ce musicien hors du commun était cependant un personnage nourri de paradoxes. Novateur, il restait conservateur même si d'aucuns ont comparé sa notoriété à celle de Voltaire au confluent d'une personnalité troublante. Son attrait prononcé pour l'Orient commence avec sa maladie pulmonaire qui l'oblige à effectuer en Algérie plusieurs séjours (15) : «Ce n'était pas son siècle qui l'intéressait, mais l'univers mythologique de la musique, le mélos algérien, toutes les sonorités orientales», dira le conférencier. Le virtuose qui inspirera plus tard Ravel était connu pour son opéra Samson et Dalila et surtout la Danse Macabre écrits en 1879. Sa Marche orientale et ses Rêveries arabes qu'il intègre en 1880 dans sa Suite algérienne inspireront Assia Djebar dans l'écriture de L'Amour, la Fantasia. Proust avait vu en lui un musicien dont la créativité intéressait toutes les approches anthropologiques. A signaler que la conférence fut illustrée par des morceaux de musique choisis et interprétés par la violoncelliste Henda Maâlem et le jeune Mehdi.