Roman n A travers sa lucarne «Un auteur, un livre», le CCF nous a conviés, hier, à une rencontre littéraire avec Jaoudet Guessouma, l'auteur de Zorna ! un roman paru en 2004. Après une courte présentation, Rachid Mokhtari en écrivain et journaliste a d'abord dédié cette séance en hommage à Mostefa Lacheref pour l'ensemble de ses essais sur la société algérienne. En parfait critique littéraire, cette fois, il a convié le public à suivre un jeu acrobatique de question-réponse où mots d'esprit et interrogations critiques sur le roman ont été au centre du débat esthétique sur l'écriture. On a eu droit à une véritable dissection, ou si l'on préfère, à une analyse très étoffée du roman qui a obtenu en 2005 le prix «Apulée de Madaure». Il faut dire que l'univers de l'écriture est plutôt familier à Jaoudet Gassouma : il a collaboré dans de nombreux journaux et édités des guides touristiques sur la Kabylie et prépare un nouveau roman intitulé Tseriel. Si nos intervenants ont porté un regard descriptif sur Zorna ! c'est parce que ce roman a la particularité de créer un texte musical dans une atmosphère où la lisibilité est laissée au soin du lecteur. Ce roman raconte en fait l'histoire de Lounès coincé entre deux amours, deux femmes qui sont diamétralement opposées. Tandis que Zorna incarne l'idéal de la beauté féminine, mais reste inaccessible, Salima est bien réelle, bien en chair, sensuelle et bien contextualisée dans son modeste milieu social. Elle, qui symbolise le plaisir, est source d'un désir contrarié par la présence fantasmatique de Zorna. «Zorna est un rêve à atteindre par Lounès qui essaye de porter une dynamique sur le personnage qu'il voudrait aimer, tout en étant aimé lui-même par Salima. Zorna est un être mythique qui appartient beaucoup plus à la littérature qu'à la narration du récit», répond J. Guessouma à notre intervenant. Dans ce roman où l'espace-temps est réduit à une journée, la rythmique du texte est importante. Car bien plus qu'une histoire banale d'amour, le récit en question recèle des ambivalences. «Dans ce canevas triangulaire j'ai cultivé ce doute pour montrer l'ambivalence des personnages. Même si Salima, qui aime Lounès lequel est amoureux de Zorna, appartient à la monotonie, à un univers normalisé, elle a tout de la femme méditerranéenne. Malgré son handicap physique (le bec de lièvre), elle ne peut être l'autre, elle reste liée à sa condition sociale et l'accès du rêve lui est interdit», poursuit notre auteur. L'univers débridé de Zorna ! est une critique en filigrane des pesanteurs sociales, la quête de l'intériorité profonde du personnage masque toute l'histoire : «Il est en quête d'aboutissement. Le doute signale que le personnage n'est ni tout à fait enfant ni adulte. C'est un microscope qui descend vers les petites gens. Lounès est en quête de cette partie de lui qui n'existe pas dans la société réelle», commente à ce sujet Gassouma. Ce roman, qui décrit un espace urbain fantomatique, ne s'étale pas sur la réalité, mais la contourne dans un temps émotionnel et psychologique. Son but est ailleurs : «Le personnage essaye d'évoluer vers cet élan de beauté. En fait, les choses violentes qui se passent ne l'intéressent pas. Il y a dans ce livre une volonté d'aller vers une esthétique imaginaire dans une petite légende urbaine», conclut notre auteur.