Résumé de la 5e partie n Le loup, un prédateur dangereux, voit sa cause plaidée par les fillettes. Les mises en garde ne semblent pas, au grand étonnement des parents, avoir eu un effet dissuasif sur Delphine et Marinette. Et puis, ajouta Delphine, on ne peut pas lui en vouloir éternellement, au loup... — C'est une vieille histoire... — Un péché de jeunesse... — Et à tout péché miséricorde. — Le loup n'est plus ce qu'il était dans le temps. — On n'a pas le droit de décourager les bonnes volontés. Les parents n'en croyaient pas leurs oreilles. Le père coupa court à ce plaidoyer scandaleux en traitant ses filles de têtes en l'air. Puis il s'appliqua à démontrer par des exemples bien choisis que le loup resterait toujours le loup, qu'il n'y avait point de bon sens à espérer de le voir jamais s'améliorer et que, s'il faisait un jour figure d'animal débonnaire, il en serait encore plus dangereux. Tandis qu'il parlait, les petites songeaient aux belles parties de cheval et de paume placée qu'elles avaient faites en cet après-midi, et à la grande joie du loup qui riait, gueule ouverte, jusqu'à perdre le souffle. — On voit bien, concluait le père, que vous n'avez jamais eu affaire au loup... Alors, comme la plus blonde donnait du coude à sa sœur, les petites éclatèrent d'un grand rire, à la barbe de leur père. On les coucha sans souper, pour les punir de cette insolence, mais longtemps après qu'on les eut bordées dans leurs lits, elles riaient encore de la naïveté de leurs parents. Les jours suivants, pour distraire l'impatience où elles étaient de revoir leur ami, et avec une intention ironique qui n'était pas sans agacer leur mère, les petites imaginèrent de jouer au loup. La plus blonde chantait sur deux notes les paroles consacrées : «Promenons-nous le long du bois, pendant que le loup y est pas. Loup y es-tu ? m'entends-tu ? quoi fais-tu ?» Et Delphine, cachée sous la table de la cuisine, répondait : «Je mets ma chemise». Marinette posait la question autant de fois qu'il était nécessaire au loup pour passer une à une toutes les pièces de son harnachement, depuis les chaussettes jusqu'à son grand sabre. Alors, il se jetait sur elle et la dévorait. Tout le plaisir du jeu était dans l'imprévu, car le loup n'attendait pas toujours d'être prêt pour sortir du bois. Il lui arrivait aussi bien de sauter sur sa victime alors qu'il était en manches de chemise, ou n'ayant même pour tout vêtement qu'un chapeau sur la tête. Les parents n'appréciaient pas tout l'agrément du jeu. Excédés d'entendre cette rengaine, ils l'interdirent le troisième jour, donnant pour prétexte qu'elle leur cassait les oreilles. Bien entendu, les petites ne voulurent pas d'autre jeu, et la maison demeura silencieuse jusqu'au jour du rendez-vous. Le loup avait passé toute la matinée à laver son museau, à lustrer son poil et à faire bouffer la fourrure de son cou. Il était si beau que les habitants du bois passèrent à côté de lui sans le reconnaître d'abord. Lorsqu'il gagna la plaine, deux corneilles qui bayaient au clair de midi, comme elles font presque toutes après déjeuner, lui demandèrent pourquoi il était si beau. — Je vais voir mes amies, dit le loup avec orgueil. Elles m'ont donné rendez-vous pour le début de l'après-midi. — Elles doivent être bien belles, que tu aies fait si grande toilette. — Je crois bien ! Vous n'en trouverez pas, sur toute la plaine, qui soient aussi blondes. (à suivre...)