Résumé de la 2e partie n Pizani, dit «le Gourdillon», ne veut raconter l'assassinat qu'il a commis qu'au commissaire. La matinée s'est écoulée, et c'est donc juste avant de déjeuner qu'un inspecteur de la PJ descend de voiture devant l'une de ces hautes maisons lyonnaises, d'aspect sévère. Il grimpe les six étages de l'escalier et, au dernier, frappe à l'unique porte. Une petite femme lui ouvre. Assez charmante, la quarantaine, de grands yeux naïfs, une magnifique chevelure noire, serrée en chignon sur la nuque. Madame Pizzani fait entrer l'inspecteur, en dénouant rapidement son tablier. Mais le living-room est d'une crasse somptueuse. La pièce sert à la fois de salle à manger, de salon, et de chambre à coucher. Un style de taudis hybride, mi-taudis lyonnais, mi-taudis napolitain. C'est-à-dire qu'une sorte d'ordre tente d'ordonner le désordre. Comme le parquet doit être ciré, il l'est, mais par-dessus la poussière, les meubles aussi, ce qui leur donne une couleur indéfinissable, un ton inimitable, une crasse d'époque grisâtre. L'inspecteur tâte le terrain avec précaution. Madame Pizzani est-elle au courant du comportement étrange de son époux qui a fait, à Paris, d'étranges aveux ? Elle ne l'est pas. Madame Pizzani sait-elle si son époux avait une maîtresse ? Elle sait. Une maîtresse tout à fait officielle, normale, comme tout Italien se doit d'en avoir. Comme Mussolini, Napoléon ou Louis XIV, le maçon napolitain s'est offert une maîtresse en titre. Selon son épouse, ce n'est pas qu'il soit atteint d'une sexualité exigeante et hors du commun. Pas du tout. Au contraire... Pietro se serait bien contenté d'une femme unique pour le réchauffer, sans trop d'efforts. D'ailleurs il aime beaucoup son épouse. Seulement... — Les lapins ont décidé. L'inspecteur ouvre de grands yeux. D'une part parce qu'on ne lui a parlé que d'un seul lapin au téléphone et d'autre part parce que la réponse a de quoi intriguer un inspecteur de police judiciaire qui n'a pas souvent affaire à des lapins. — Des lapins ? Vous pourriez préciser ? — Nous élevons des lapins. Ce sont eux, les lapins, qui ont décidé que Pietro devait avoir une maîtresse. — Excusez-moi, mais... vous et votre mari, vous parlez avec des lapins ? — C'est très compliqué, monsieur... Je ne peux pas vous expliquer... mais j'aime mon mari... vous savez... seulement il est... (Elle chuchote tout à coup.) Il est sorcier... vous comprenez... je ne pouvais pas discuter la décision des lapins... je ne pouvais pas... De toute évidence, cette femme n'est pas très intelligente, et, de plus, elle semble avoir peur de son sorcier de mari. Très peur même. Car elle ne veut pas en dire plus. L'inspecteur demande à visiter la maison. Madame Pizzani, confiante, le guide dans les autres pièces. Il y a le «laboratoire», dit-elle, et la «chambre des lapins». Le «laboratoire» est une pièce surprenante, un lieu exceptionnel, occupant une grande mansarde. La bibliothèque déborde de livres, dont peu sont en état, ou complets car ils proviennent manifestement d'une patiente collecte au hasard des poubelles. L'inspecteur y devine des fragments de traités d'agronomie, de jurisprudence, de grammaire générale et comparée, d'électronique, de technique de propulsion des avions, de pathologie humaine ou vétérinaire. Des chapitres de romans pornographiques voisinent avec des morceaux d'ouvrages de théologie et de casuistique, de zoologie, de botanique, des comptes rendus de l'Académie des sciences. Le dernier ouvrage sur lequel le regard fasciné de l'inspecteur se pose enfin concerne la thermodynamique. Et la bibliothèque ne s'arrête pas là. (à suivre...)