Confrontation n La pièce adaptée du livre de Maïssa Bey (un livre portant le même titre que la pièce) et mise en scène par Jean-Marie Lejude, a été présentée, mercredi et jeudi, au Centre culturel français d'Alger. La scène, presque vide, n'ayant comme seul décor que deux bancs, l'un mobile qui permet une rotation de profil (vers le public) comme de face (vers l'interlocuteur), l'autre fixe ne permettant qu'une position de face, est plongée dans l'obscurité quasi totale. Un faisceau de lumière rouge l'éclaire de biais, l'arrache à demi du noir, de l'anonymat. Les personnages, une femme et un homme, à savoir Fatima Aïbout et Alexis Nitzer, se mettent en place, assis, se tenant l'un en face de l'autre. Le jeu commence alors lorsqu'un rai de lumière blanche embrasse dans une ambiance tamisée l'espace scénique. L'on est dans un compartiment d'un train. En arrière fond, un écran sur lequel est projetée en lieu réel la scène : on y voit nos deux personnages, devenant peu à peu directs et identiques, vu la coordination et la cohérence qui existent entre le jeu des comédiens sur les planches et les images projetées. L'histoire se déroule en France. La femme, une Algérienne, ayant quitté, fui son pays, exsangue et jeté dans la tourmente de la tragédie nationale, est assise dans un train. Un homme, un sexagénaire, prend place en face d'elle. Elle, elle vient d'Algérie. Lui, c'est un Français qui a connu l'Algérie, pendant la guerre. C'était un soldat. Tous les deux s'engagent dans la discussion, s'entraînent dans un dialogue que ni elle ni lui ne l'ont prémédité. Cette conversation tourne en un interrogatoire. L'enquête est menée, par l'un comme par l'autre, le cœur battant. Ils s'affrontent et, du coup, ils affrontent le passé qui fait surface. La femme, dans son désir de clarté, cherche dans cet homme la vérité. Tandis que l'homme, dans son désir de réconciliation, quête une manière de libérer sa conscience, de s'arracher à un passé (la guerre d'Algérie) douloureux, voire tabou. Au fil de la discussion, et de question en réponse, la vérité pointe, s'impose : la femme se trouve devant celui qui était complice dans la mort de son père. Un père torturé et tué par l'armée coloniale. La pièce, dans sa mise en scène, se révèle originale. Elle est doublement organisée. Sur scène, les deux personnages s'engagent dans un récit. Chacun raconte les faits. Sur l'écran où défilent les images de nos deux personnages, le public assiste, en revanche, à la conversation. Ainsi, la pièce comprend à la fois une narration et un dialogue, d'où la double articulation du jeu et l'interaction entre le réel et le virtuel. Le jeu, rendu sensible, perceptible par une expression scénique attachante, se révèle, par sa théâtralité dynamique, avéré. Comme surgissant d'un lointain passé, la musique qui l'accompagne illustre l'action dramatique et intensifie son caractère émotionnel. C'est une musique qui rend le jeu plus dense et d'une réelle profondeur scénique.