Scène n Telle est l'intitulé de la pièce présentée, hier lundi, au Centre culturel français. Écrite par Maïssa Bey et mise en scène par Jean-Marie Lejude, la pièce revêt une portée historique et, dans un sens, une proportion politique dans la mesure où elle s'organise tel un réquisitoire contre la colonisation. Elle fait le procès de la France, d'où l'intitulé de la pièce. Madame la France, une pièce s'étalant sur une durée de cent trente-deux années, est l'histoire d'un enfant anonyme, sans nom ni visage. C'est l'histoire d'un enfant, celui de l'Algérie, qui est racontée au fil du temps, d'une situation à l'autre, et à travers toute l'Algérie. La pièce s'ouvre sur le débarquement de l'armée expéditionnaire française sur les côtes algériennes. Un enfant, un matin, scrute l'horizon. Il a le regard rivé, au loin, sur la mer. C'est l'invasion. Le début de la colonisation. La pièce, de bout en bout, raconte l'enfant – sujet indéterminé, atone. Tantôt il est témoin du massacre des siens et de la destruction de son village comme il est victime des enfumades, tantôt il est l'enfant des rues, crasseux, pouilleux et guenilleux comme il est l'indigène, l'ignare. C'est l'enfant auquel ressemblent tous les enfants d'Algérie, ceux qui ont vécu les affres de la colonisation. La pièce s'ouvre sur un enfant qui, sur un promontoire, regarde, un matin, la mer, et elle se termine sur un enfant qui, un matin, sur une terrasse, regarde le port d'Alger où des bateaux arrivent de la mer pour faire embarquer ceux qui, cent trente-deux années plus tôt, sont venus de l'autre côté de la Méditerranée, de France, avec la détermination d'occuper, voire de coloniser la terre algérienne. L'histoire de l'Algérie, son passé colonial, sont racontés par Fatima Aïbout et Lahcen Razzougui, et cela à travers une narration directe, parfois descriptive, suivant un cheminement historique linéaire et objectif. La pièce, par son contenu historique, constitue une critique acerbe et ironique des discours longtemps prônés par la France, voire la République pour justifier, par les bienfaits de la civilisation, la colonisation et, par extension, sa présence en Algérie. Elle remet en question les mots d'ordre «Liberté, Egalité, Fraternité». Une critique sous le regard innocent d'un enfant qui est d'ailleurs, le fil conducteur de l'histoire.Oscillant ainsi entre drame et légèreté, rire et dérision, Madame la France est une pièce structurée et où le jeu est juste, saillant tant l'interprétation est expressive, notable et avertie. Le jeu se déroule sur une scène vide, dénuée de décor ou de quelconques accessoires, seulement une toile de fond, sur laquelle sont projetées des images pour rendre perceptible, émotionnellement parlant, l'intensité de la pièce. La mise en scène se veut en fait minimaliste.