Résumé de la 2e partie n Devant le refus du mulet et de l'âne de le suivre, le soldat tira pour la troisième fois, son grand sabre voulant «les percer» mais les parents s'étaient suspendus, l'un à son bras, et l'autre à son habit. Il faut convenir que vous n'avez pas de chance avec vos montures, lui dirent-ils. A bien réfléchir, ce n'est du reste pas surprenant. Ane, mulet, cheval, c'est toute une même famille ou à peu près et nous aurions dû y songer. Mais pourquoi n'essaieriez-vous pas d'un mouton ? C'est un animal obéissant et qui offre plus d'un avantage. Si, en cours de route, vous avez besoin d'argent, rien n'est plus facile que de le faire tondre. Après avoir vendu sa laine un bon prix, il vous restera une bonne monture pour continuer votre voyage. Nous possédons justement un mouton pourvu d'une très belle toison. Voyez-le plutôt entre les deux petites. S'il vous plaît de le prendre en échange de votre âne, nous ne demandons qu'à vous être utiles. — C'est une bonne idée, dit le soldat, et il rengaina son sabre. Serrant le mouton dans leurs bras, Delphine et Marinette jetaient les hauts cris, mais les parents les eurent bientôt séparées de leur meilleur ami et réduites au silence. Le mouton regarda ses anciens maîtres avec un air de grande tristesse, mais ne fit point de reproche et s'avança vers le soldat. Celui-ci, montrant son grand sabre qu'il venait de remettre au fourreau, lui dit d'un ton menaçant : — Avant tout, j'entends être obéi et respecté comme je le mérite. Sois sûr que si j'ai à me plaindre de toi, je te couperai d'abord la tête. Et point de rémission. Car si je me laissais aller à faire encore des échanges je finirais par chevaucher quelque canard ou autre engeance de basse-cour. — Ne craignez rien, répondit le mouton, je suis d'un naturel très doux. C'est sans doute que j'ai été élevé par deux petites filles. Je vous obéirai donc de mon mieux. Mais j'ai un bien grand chagrin de quitter mes deux amies. Monsieur, quand l'oncle Alfred m'a mis entre leurs mains, j'étais si petit qu'elles ont dû me donner le biberon pendant près d'un mois encore. Depuis, je n'ai jamais été séparé d'elles. Aussi, vous pouvez croire que je suis bien affligé et, de leur côté les petites ne le sont guère moins. C'est pourquoi, si vous avez pitié de notre peine, vous m'accorderez un moment pour aller leur dire adieu et pleurer avec elles. — Point de pitié pour les moutons ! cria le soldat. Comment ! voilà une bête qui ne fait que d'entrer dans mon service et qui voudrait déjà s'échapper ? Je ne sais pas ce qui me retient de lui ôter la tête d'un revers de sabre. On n'a jamais vu tant d'audace. — N'en parlons plus, soupira le mouton. Je ne voulais pas vous fâcher. Enfourchant sa nouvelle monture, ce qui ne lui donna pas grand mal, le soldat s'aperçut que ses pieds traînaient par terre et eut alors l'idée de ficeler son grand sabre en travers des épaules du mouton pour servir de support à ses longues jambes et les faire pendre à bonne hauteur, de quoi il fut si content qu'il se mit à rire tout seul et si fort qu'il manqua plusieurs fois perdre l'équilibre. Pourtant, rien n'était plus triste que le spectacle de ce pauvre animal fléchissant sous le poids d'un lourd cavalier. Les petites en avaient autant d'indignation que de chagrin et il est sûr que si les parents ne les avaient pas retenues, elles s'opposaient au départ du mouton de toutes leurs forces et par tous les moyens, comme de jeter le soldat en bas de sa monture. (à suivre...)