Avec les témoignages recueillis auprès des membres de la famille, on sait mieux maintenant qui est Mourad Boudina, ce terroriste, auteur du massacre perpétré au Palais du gouvernement. Il lui arrivait même de menacer sa mère de mort». L'aveu n'est pas de n'importe qui. C'est Nouredine, le frère de Merouane Boudina, «alias» Mouad ibn Jabal, qui parle. Une pensée pour son frère ? Nouredine dit ne ressentit aucune pitié. Il parle plutôt de honte.«J'ai honte de ce qu'a fait mon frère. Il a sali l'honneur de notre famille. Ma pensée va plutôt à tous ceux qui ont perdu leur vie dans l'attentat. Allah yerhamhoum.» C'est ainsi que ce jeune plombier sans histoire commentait hier son récit devant les caméra de l'Entv. «Ma mère est totalement abattue depuis qu'elle a vu son image à la télé», reconnaît-il encore, dans des témoignages fournis au lendemain de l'attentat à deux journaux arabophones. Noureddine a aussi confié aux journalistes que peu de temps avant son passage à l'acte, Merouane l'avait appelé pour lui «demander pardon» et qu'il n'avait pas compris alors le sens du messageAu seuil d'un taudis miséreux fait en zinc et en parpaing à la ferme Ben Boulaïd, à équidistance entre Hai El-Badr et El- Maquaria (Hussein Dey), ce plombier, qui est l'aîné de onze frères et sœurs, affirme avoir eu tout le temps des problèmes avec Merouane, un garçon ayant arrêté sa scolarité en huitième. «Je l'ai chassé de la maison et j'ai déposé une plainte contre lui au commissariat de Hai El-Badr, parce qu'il agressait sans cesse notre sœur. Un jour, il lui a subtilisé ses bijoux pour s'acheter de la drogue, c'était durant le Ramadan 2005. Il avait un grand sabre avec lequel il agressait tout le monde et Il passait aussi son temps à nous causer des problèmes avec les voisins », relate ce jeune d'une trentaine d'années qui ne comprend pas comment Merouane, le vendeur de sardines au marché de Bachdjarah, pourchassé comme tous les vendeurs à la sauvette par la police, le voyou qui ne pensait qu'à traquer des proies faciles et le repris de justice qui était habitué à la prison d'El- Harrach allait subitement devenir Mouad Ibn Jabal. «Kelkhoulou», pense-t-il. «Mon frère, je le connaîs parfaitement, il n'a aucun lien avec la religion, il ne connaît pas le moindre verset. Comment pourrait-il ainsi être endoctriné de la sorte ? A moins qu'il ait connu un changement radical depuis sa disparition il y a sept mois !» En effet, selon des témoins rencontrés dans le grand bidonville Ben Boulaïd, Merouane Boudina n'avait pas donné signe de vie depuis plus de sept mois. Ce n'est que durant le ramadan suivant (2006) que le voyou de 28 ans réapparaît de nouveau. «Il avait changé. Il portait une barbe. Ce jour-là, il était venu pour frappe notre sœur car il était contre l'idée qu'une femme travaille. Il a aussi détruit quelques cassettes rai qui étaient en ma possession», ajoute son frère. «Tout cela m'a vraiment étonné mais je n'aurais jamais cru que Merouane allait devenir un jour kamikaze.» Plus loin, Nouredine assène «sa» vérité : «S'il l'a fait, il l'a fait sans doute sous l'effet de la drogue. Les groupes terroristes exploitent aujourd'hui ce genre de personne pour arriver à leurs fins.» Un habitant du bidonville jure, pour sa part, avoir vu Merouane fréquenter en compagnie de deux autres barbus un gourbi abandonné, non loin de la maison parentale, d'où résonnait par intermittence des versets du Coran. «Le projet de l'attentat a été, peut-être, mijoté là- bas.»