Résumé de la 130e partie n Ruth voit en Myles sa dernière chance, d'aider son mari à sortir du pétrin et dont elle est l'instigatrice. Les Kearny habitaient Schwab House, Soixante-quatorzième Rue. Demain, elle irait avec Seamus demander au préfet de police de les recevoir. Il saurait ce qu'ils devraient faire. Elle pourrait avoir confiance en lui. Ruth finit par s'endormir en pensant : j'ai trouvé à qui me fier. Pour la première fois depuis des années, elle se réveilla tard le dimanche matin. Quand elle se redressa sur le coude pour regarder l'heure, son réveil indiquait midi moins le quart. Le soleil entrait dans la pièce par les stores mal ajustés. Elle contempla Seamus. Dans son sommeil, il avait perdu cette physionomie anxieuse et apeurée qui l'irritait tellement, et elle retrouvait dans ses traits réguliers le souvenir de l'homme séduisant qu'elle avait épousé. Les filles tenaient de lui, se dit-elle et elles avaient hérité de son humour. Autrefois, Seamus était plein d'esprit et d'assurance. Puis la dégringolade avait commencé. Le loyer du bar avait augmenté de façon astronomique, le quartier s'était embourgeoisé, et les vieux habitués avaient disparu les uns après les autres. Et tous les mois, il fallait verser la pension alimentaire. Ruth se glissa hors du lit et se dirigea vers le secrétaire. Le soleil éclairait cruellement les éraflures et les entailles du bois. Elle voulut ouvrir le tiroir sans faire de bruit, mais il était coincé et grinça. Seamus remua. «Ruth.» Il n'était pas tout à fait réveillé. «Repose-toi, lui dit-elle d'une voix apaisante, je t'appellerai quand le petit déjeuner sera prêt.» Le téléphone sonna au moment où elle ôtait le bacon du gril. C'était les filles. Elles avaient entendu les nouvelles concernant Ethel. Marcy, l'aînée, dit : «Maman, nous sommes désolées pour elle, mais ça veut dire que papa est enfin tranquille, n'est-ce pas ?» Ruth s'appliqua à prendre un ton joyeux. «C'est à peine croyable, hein ? Nous arrivons encore difficilement à nous y faire.» Elle appela Seamus qui prit le téléphone. Ruth vit l'effort qu'il faisait pour dire : «C'est horrible de se féliciter de la mort de quelqu'un, mais il est permis de se réjouir d'être délivré d'un poids financier. Maintenant racontez-moi. Comment vont les Dolly Sisters ? Les petits copains se conduisent bien, j'espère.» Ruth avait pressé un jus d'orange, préparé du bacon, des œufs brouillés, des toasts et du café. Elle attendit que Seamus eût fini de manger et lui versa une seconde tasse de café. Puis elle s'assit en face de lui, de l'autre côté de la table de chêne massif, encombrant héritage d'une tante célibataire, et dit : «Il faut que nous parlions.» Elle posa les coudes sur la table, cala ses mains sous son menton, vit son reflet dans le miroir tacheté au-dessus du vaisselier et prit soudain conscience de son air terne. Sa robe de chambre était défraîchie ; ses beaux cheveux châtain clair étaient devenus clairsemés et sans éclat ; ses lunettes rondes donnaient à son petit visage un air pincé. Elle repoussa ces pensées et continua : «Lorsque tu m'as dit que tu avais poussé Ethel, que le coupe-papier lui avait entaillé la joue, que tu avais payé quelqu'un pour la menacer au téléphone, j'ai cru que tu avais été plus loin. J'ai cru que tu l'avais tuée.» (à suivre...)