Etats d'âme n Un recueil de poèmes, Le champ de blé aux corbeaux, tableau pour le chant de l'errance, vient de paraître dans les librairies. Il s'agit d'une auto-édition. Le recueil, écrit par Halima Lamine, s'étale sur une centaine de pages, raconte une existence, une présence ; c'est un chant d'errance, donc de quête. Ici, dans cet imaginaire poétique, où l'errance est une impression permanente, un vécu qui revient comme une litanie, Halima Lamine se réinvente dans une spatialité nouvelle, immatérielle et intemporelle (Les horloges se réfugient dans le silence) puisqu'elle cesse de réfléchir : elle fait le vide autour d'elle, chose qui lui permet de s'aérer et de vivre son ailleurs. «Je me raconte mille et une errances», écrit-elle. Cela revient à dire qu'elle se cherche dans sa solitude ; et en se racontant, en errant dans le silence, elle se retrouve. Errances. Retrouvailles espérées. L'errance dans laquelle s'évade et vit l'auteur n'est point géographique. Elle est intérieure, mentale, immatérielle. Cette immatérialité dans laquelle elle se sent comme une exilée, une déchue ou comme «une prisonnière d'un royaume chaotique», et qui se manifeste «dans une atmosphère de transe meurtrière», rend sa quête, une recherche de lieux, de saveurs, de parfums ou encore d'émotions, quasiment illusoire, voire impossible (Le temps des rêves inavoués). Cette errance, «encore errance… et puis errance», paraît, parfois, comme un cimetière, sombre et humide, glacial et hostile, un cimetière abstrait où elle tente de s'échapper, de s'évaporer, de réinventer une nouvelle existence, une autre présence. Cette errance entraîne «un corps entre lourdeur et nonchalance» dans de vertigineux déplacements, telle la danse des tourneurs (derviches). Ainsi, oubliée et oublieuse, l'auteur se dit dans une poésie qui laisse échapper un cri, un hurlement. Sa poésie est un chant qui revient comme une litanie triste et inconsolable. Il est à souligner que les poèmes de Halima Lamine sont accompagnés d'illustrations, des représentations qui renvoient à ses préoccupations et à ses interrogations. Les uns convoquent, complètent les autres. Sur chacune d'elles, l'auteur met en scène un personnage, celui de la femme, le sien. Ainsi, elle se réinvente, outre à travers les mots, autrement dans le dessin, une image qui lui sert de miroir dans lequel elle se voit et on la reconnaît. Son personnage apparaît triste, perdu, inquiet. Ce tourment et cette détresse sont manifestes dans le regard des personnages, des regards qui se cherchent dans cette vie qui n'est que vertige et spirale. Un enroulement déroutant dans lequel elle est happée, aspirée. Ses personnages apparaissent singulièrement étranges avec une curieuse apparence : un physique difforme, surréaliste. Enfin, sa présence reste énigmatique.