Réflexion n L'intellectuel tunisien, Abdelwahab Meddeb, était, mercredi, l'invité de la Bibliothèque nationale. Initiée conjointement par le quotidien El Khabar et la bibliothèque nationale, la rencontre a révélé la pensée de Abdelwahab Meddeb qui se fléchit sous divers aspects. une pensée qui s'ouvre sur d'autres imaginaires et modes d'interroger le réel, allant de soi à l'autre, et inversement. Il est essentiel, pour lui, d'effectuer ce va-et-vient, assurant ainsi une meilleure approche et interprétation du monde – et des hommes. Cette pensée a fait de Abdelwahab Meddeb un «citoyen du monde», puisqu'il se reconnaît dans toutes les cultures et appartient à toutes les identités. Selon lui, les cultures et les identités se fondent et se confondent, toutes s'imbriquent, s'influencent, se complètent. Cela revient à dire que le patrimoine humain a une origine commune. Et c'est pour cette raison que tous ses efforts intellectuels convergent sur ça ; autrement dit, il réfléchit et travaille sur le patrimoine mettant l'accent sur la généalogie des cultures. «Notre civilisation [celle de l'humanité] est un extraordinaire creuset qu'il faut réinventer pour l'interroger à nouveau», a-t-il relevé. Ainsi, Abdelwahab Meddeb se situe, en effet, au carrefour des cultures et des civilisations. Il est à la croisée, à la jonction des identités. Il se veut cosmopolite. La particularité, voir l'originalité de Abdelwahab Meddeb, c'est qu'il inscrit la pensée, notamment la sienne, dans l'horizon du monde, c'est-à-dire il ne faut plus, de nos jours, ramener le monde à soi, appréhender le réel par l'intercession de ses référents culturels. «Il faut s'ouvrir à l'autre, se l'approprier pour se construire, il faut cheminer vers des perspectives d'horizon plus larges», a-t-il dit, ajoutant que «la pensée s'inscrit désormais dans l'horizon du monde et que c'est fini la pensée nationale». Il est essentiel, selon lui, d'appréhender le monde par les généalogies qui sont multiples. Il s'attache, d'ailleurs, à honorer ce qu'il appelle sa «double généalogie», européenne et islamique, française et arabe. Cette identité transfrontalière apparaît dans son œuvre, une pensée qui s'emploie à mettre l'être, le nôtre, au monde, le revêtir de l'universalité. Abdelwahab Meddeb s'emploie, en approfondissant sa réflexion, à s'engager activement et de manière intellectuelle à réagir contre le radicalisme et l'exclusivisme culturel, identitaire. Cet exclusivisme entraîne l'Islam dans un état amorphe, végétatif. Il se définit alors comme étant la «maladie de l'Islam». «je refuse les identités exclusives qui sont mortifères», a-t-il dit, et de souligner la nécessité de ne plus se contenter de soi, mais de conjuguer l'autre, l'assimiler à son existence et à son mode de pensée. Cela ne peut se faire que par le désenclavement des références arabes et islamiques en vue de féconder – donc faire renaître – la pensée et la culture arabes.