Anodine La commune d?El-Djazia, dépendante de la wilaya d?Oum El-Bouaghi, n?offre rien d?exceptionnel au regard du visiteur. Il faut traverser une route escarpée et défectueuse pour arriver au centre-ville, une médina perdue au creux des montagnes sauvages. La commune la plus pauvre en Algérie attend la bénédiction divine et peut-être celle des gouvernants pour rester en vie et ne pas mourir d?abandon. Le centre-ville compte une seule rue, un café, une pharmacie nouvellement ouverte, l?épicier du coin, qui fait survivre grâce à ses crédits tous ces démunis, les sièges de la gendarmerie, de la garde communale et de l?APC. Puis rien. Des terrains vagues ici et là, que la mairie a octroyés aux citoyens depuis longtemps, mais qui sont inoccupés, car ils ne peuvent y construire, faute d?argent. Les jeunes traînent à longueur de journée, n?ayant pas où aller. Point de cinéma, de cybercafé ou autres lieux de détente et de rencontre. El-Djazia compte deux universitaires, l?un est chômeur alors que l?autre travaille en tant que serveur dans le café. Les maisons cimentées témoignent silencieusement d?une misère accablante qui torture les citoyens, déjà traumatisés par des années d?errance et de violence. Ici, près de 33 personnes ont été tuées par les terroristes alors que 36 ont été rendues invalides. D?autres ont perdu la vue, à la suite des déflagrations de bombes. Le président de l?Association des victimes du terrorisme, lui aussi invalide, se plaint de l?insuffisance des pensions allouées à ces dépourvus qui comptent de nombreux enfants, certains ne les reçoivent même plus. «Je ne peux rien faire pour eux, ils sont pauvres, on se connaît ici. La plupart dorment le ventre vide. Nous sommes isolés et nous n?avons rien reçu de la part des autorités, qui puisse nous porter secours», lance Aymane, en levant nerveusement ses deux longs bras. «Nous avons vécu la mort et nul ne peut l?oublier, nous avons besoin d?une aide morale et matérielle ! Nous sommes des laissés-pour-compte», ajoute-t-il. Il évoque, le regard embué, les années de sauvagerie, les souvenirs l?interpellent subitement, il s?arrête un moment, respire longuement, puis, ne pouvant continuer son discours, abattu par les larmes, il s?excuse et quitte la salle. Le ramadan, la majorité d?entre eux le passera dans la privation, c?est un régime permanent, sans répit. Certains observeront la rupture du jeûne avec un morceau de kasra sec, des lentilles...