Vérités n «Le déni de mémoire ne grandit pas les nations. Il les réduit et ternit leur image. Et il les ternit davantage quand il est sélectif et discriminatoire», a lancé Abdelaziz Belkhadem à l'égard de ceux qui tentent encore de trouver des vertus au colonialisme. En se rendant dans la wilaya de Sétif pour assister aux commémorations des massacres du 8 mai 1945, l'occasion ne pouvait mieux tomber pour le chef du gouvernement de rappeler à l'ancienne puissance coloniale les crimes commis en Algérie plus d'un siècle durant. Des lieux-mêmes où la France coloniale a commis l'un des crimes les plus horribles de l'Histoire en massacrant plus de 45 000 Algériens en quelques jours, Abdelaziz Belkhadem a tenu à s'adresser aux Français qui viennent de porter à la tête de l'Etat un courant franchement hostile à toute idée de repentance à l'égard de l'Algérie. Devant une foule entassée dans les gradins de la salle omnisports de la ville, Belkhadem interrompt son discours, s'excuse de prononcer une phrase en français «pour que les concernés puissent l'entendre» et assène : «Le déni de mémoire ne grandit pas les nations. Il les réduit et ternit leur image. Et il les ternit davantage quand il est sélectif et discriminatoire.» En parlant de discrimination, le patron du FLN faisait sûrement allusion aux excuses présentées par la France à Madagascar, à la loi du 23 février qui relevait le «rôle positif de la présence française dans ses anciennes colonies notamment en Afrique du Nord», et, surtout, à la pénalisation dans de nombreux pays occidentaux de toute tentative de remise en cause de l'holocauste. Au cours de cette sortie (qu'il effectuait simultanément en sa qualité de chef du gouvernement et de secrétaire général du FLN), M. Belkhadem était particulièrement attendu sur cette question précise d'autant plus que la visite survient au lendemain de l'élection en France de Nicolas Sarkozy qui a clairement fait savoir durant la campagne électorale que les excuses, la France les doit aux harkis et aux pieds-noirs. Interrogé en aparté, Abdelaziz Belkhadem, en fin diplomate, refuse de commenter la victoire du candidat de la droite. «Nicolas Sarkozy est élu par le peuple français et je respecte parfaitement ce choix», se contentera-t-il de dire. Ce qui ne l'a pas empêché, dans son allocution qui a duré une trentaine de minutes, de réitérer la position de l'Algérie qui fait de la repentance de la France un préalable pour l'aboutissement du traité d'amitié entre les deux pays. «Nous exigeons que la France présente ses excuses pour tous les crimes commis en Algérie», lancera-t-il à l'adresse de l'assistance, ajoutant qu'«autant nous voulons des relations amicales entre les deux pays souverains, autant nous ne voulons pas cultiver l'oubli». «Nous sommes tenus par le devoir de mémoire. En sus du fait qu'ils ont tué, violé et exproprié, il ont tenté d'altérer et d'effacer les fondements de notre personnalité», ajoutera-t-il. Evoquant la symbolique du 8 mai 1945, Belkhadem dira que la date a constitué un tournant dans l'histoire du mouvement national en ce sens qu'elle a permis aux Algériens de comprendre la véritable nature de la France qu'ils «venaient d'aider à se libérer de la domination nazie».