Avis n Le théâtre algérien s'oriente vers de nouvelles perspectives et se définit différemment. Les professionnels des planches s'accordent à dire que le théâtre algérien connaît depuis quelques années une crise, un discours sans cesse réitéré et parfois même rabâché. Il se trouve que cet avis n'est d'aucune manière partagé par tous. Tayeb Dhimi, par exemple, metteur en scène du théâtre régional de Constantine, a une vision moins alarmiste et présente un tableau moins sombre de la pratique théâtrale. «La crise telle qu'elle est décrite par quelques personnes du métier n'existe pas réellement puisqu'il y a une activité, un travail, une création», nous a-t-il déclaré, avant d'ajouter que «le théâtre est, par essence, pluriel». Cela revient à dire qu'il existe mille et une façon d'exercer sur la scène. «Il y a, aujourd'hui, une nouvelle manière de faire du théâtre. Chacun a sa vision, sa démarche et son langage.» Ainsi, le théâtre, pour Tayeb Dhimi, s'oriente vers de nouvelles perspectives, se fraye d'autres chemins et se définit différemment. «Le théâtre se libère. Il se réapproprie son propre langage, son autonomie», a-t-il indiqué, avant de relever que «ceux qui disent que le théâtre est en pleine crise sont profondément nostalgiques de leur propre théâtre, d'un temps qui n'est plus». Interrogé, par ailleurs, sur le festival du théâtre professionnel, Tayeb Dhimi estime qu'il s'agit d'un rendez-vous important et significatif. «Il permet aux professionnels du 4e art de faire un bilan d'une année de travail, de discuter et de se concerter de manière à réfléchir concrètement sur de nouvelles démarches relatives à l'exercice théâtral, et aussi penser à d'autres formes artistiques et modèles d'esthétique, et cela en vue d'adapter le théâtre au contexte actuel et répondre en conséquence aux attentes du public», a-t-il dit. Ainsi, le festival n'est pas seulement des journées où chacune des troupes participantes présente sa pièce, mais une tribune pour la réflexion et le débat. Le théâtre régional de Constantine s'applique, en ce moment, à se rapprocher du public. Cette démarche de rapprochement apparaît dans le produit théâtral qu'il présente à l'assistance. «Le théâtre régional de Constantine revient au théâtre populaire où les personnages sont inspirés du vécu social, tirés de la vie quotidienne. Ce sont des personnages proches [pour ne pas dire identiques] du public», a-t-il souligné, avant de préciser que son théâtre est ancré dans le patrimoine et la culture populaire. «J'ai voulu, à travers mon expérience, m'intéresser au patrimoine culturel populaire, car celui-ci est la mémoire à laquelle le public s'identifie», a-t-il expliqué. Et de souligner d'autre part : «Le théâtre fonctionne déjà en rapport avec le patrimoine que l'on ne peut détourner ou ignorer. Le patrimoine alimente, nourrit et signifie notre théâtre.» Cela ne revient pas à dire qu'il faut exclure les autres formes artistiques, ces différentes manières de faire du théâtre, mais tenir compte également du patrimoine qui se révèle une richesse et une authenticité , donc une spécificité.