Rencontre n Le vécu du théâtre algérien a fait, hier mardi, au centre culturel de la Radio nationale, l'objet d'un débat animé par Sonia, femme de théâtre, comédienne et metteur en scène. Force est de constater que le théâtre a, depuis quelque temps, remonté la pente, il a renoué avec la création et la production (et aussi avec le public qui, peu à peu, se constitue), même si cela se fait d'une façon épisodique, mais concrètement de toutes les manières. «A comparer à ce qu'il était il y a de cela quelques années, notamment pendant la décennie 1990, le théâtre semble renaître. Il y a effectivement des choses positives à dire la-dessus, à savoir la reprise de l'exercice théâtral. Mais ce théâtre, et il ne faut pas se voiler le regard, connaît une crise», a indiqué Sonia, expliquant que «la crise trouve son origine dans le manque de texte et le travail lié à la mise en scène». «Il y a très peu d'auteurs, donc de dramaturges qui écrivent des textes», a regretté l'oratrice, ajoutant que «cela fait que l'on recourt à des répertoires universels». Ainsi, le manque de textes engendre la nécessité de puiser continuellement dans le théâtre universel, ce qui réduit la pratique théâtrale à une expression générale, privée de personnalité et d'originalité. Ensuite, Sonia a également expliqué la crise en rapport avec la dramaturgie, à savoir la mise en scène. «L'élément clé dans une pièce, c'est bien le metteur en scène, car c'est lui qui dirige le jeu, conseille les comédiens et apporte son envergure scénique, mais le théâtre algérien ne connaît que très peu de metteurs en scène. Ceux-ci se comptent d'ailleurs sur les doigts de la main», a-t-elle relevé. Et c'est donc pour cette raison que les pièces manquent, généralement, de mérite et de pertinence. Pratiquement toutes se révèlent, par le jeu et la manière dont le sujet est traité, démunies de toute signification et de marque scénique, et de carrure dramaturgique. Faute d'encadrement et de ligne de conduite à suivre, les comédiens, par manque d'expériences, ne peuvent ainsi cultiver correctement leurs potentialités artistiques et les exploiter pleinement de manière à inscrire la pratique théâtrale dans une perspective professionnelle. Le théâtre s'exerce alors dans un amateurisme modique, parfois médiocre. S'exprimant par ailleurs sur l'événement «Alger, capitale de la culture arabe», Sonia l'a salué et l'a qualifié de foisonnant et, du coup, de possibilité pour le théâtre de rebondir et de marquer ses repères. «Cette année est une aubaine pour le théâtre. Une quarantaine de productions y est prévue. C'est chose exceptionnelle. Il reste à savoir si cette dynamique sera prolongée, entretenue dans les années à suivre, qu'elle ne soit pas occasionnelle.» Par ailleurs, Sonia a estimé que, pour l'instant, et vu ce que le théâtre a traversé comme épreuves et sa conjoncture actuelle, il est préférable de ne pas apporter des critiques d'appréciation sur tout ce qui s'y fait en ce moment. «Il faut d'abord qu'il y ait production, donc une quantité de pièces pour qu'ensuite chercher la qualité, donc mesurer le travail théâtral», a-t-elle jugé. Cela revient à dire enfin que c'est par la quantité que l'on parvienne à faire un bon théâtre. Car, selon l'intervenante, si l'on ne fait que se prononcer sévèrement – sans faire preuve de largesse et d'ouverture d'esprit – sur une pièce, il est clair que le travail de continuité cesse et que la création soit oppressée et stérilisée. Il faut qu'il y ait seulement un suivi juste et constructif.