A-t-il été tué ? l Est-il tombé accidentellement dans le puits ? A-t-il été violenté avant d'y être jeté ? l Autant de questions auxquelles l'enquête en cours apportera les réponses. Ses proches et les voisins de la famille sont persuadés que l'enfant a bel et bien été kidnappé et qu'il a subi les pires sévices. Yacine Bouchelouh est mort, tragiquement ravi à sa famille. Il a été retrouvé au fond d'un puits déjà fouillé en vain et où résonnent encore les ultimes gémissements d'un gamin de quatre ans qui aimait tant son grand-père, sa sœur Fériel et son grand ballon. Le teint clair, les cheveux châtain foncé, les yeux noirs et le visage rond, l'enfant le plus recherché de l'Algérie depuis sa mystérieuse disparition le 2 mai dernier, a été retrouvé sans vie, hier vers 14h 30, le cadavre flottant sur le peu d'eau du puits presque asséché et profond de plus de 25 m, situé au milieu d'un domaine agricole et distant de quelque 300 m seulement du domicile parental, sis à la cité 224-Logements à quelques encablures de Bordj El-Kiffan. L'auteur de cette découverte macabre s'appelle Pif, un berger allemand admirablement dressé par son maître, Rachid Sabri, un vieux retraité de la protection civile qui tenait à faire une tentative avec son chien, afin d'aider les enquêteurs dans leurs investigations. C'est le P/APC de Oued Koreïche, responsable hiérarchique de Youcef Bouchelouh, le père de Yacine, qui a sollicité les services de ce vieux retraité. Ce dernier s'est forgé, il faut le reconnaître, une réputation de héros en réalisant des performances dignes des grands avec son chien lors des opérations de sauvetage ayant suivi le séisme du 21 mai 2003, mais surtout aux lendemains des inondations meurtrières de Bab El-Oued, le 11 novembre 2001. Une catastrophe qui n'a d'ailleurs pas épargné les Bouchelouh en leur ravissant un des leurs, l'oncle Yacine, celui à qui le petit Yacine a emprunté le prénom. Sans tarder, Pif commence le travail à 10h précises. Dans le domicile des Bouchelouh, son maître lui fait sentir tout ce qui pouvait être empreint de l'odeur du petit garçon disparu : ses chaussures, ses pantalons, ses chemises, ses pull-overs et même son ballon. Le berger allemand était en fait un spécialiste des recherches des personnes disparues rien qu'en reniflant leurs objets qu'elles soient blessées, miraculées ou mortes ensevelis sous les décombres. Une fois dehors, le chien fait le tour de la cité, la parcourt de long en large. La moindre parcelle est explorée, le tout sous l'œil attentif des riverains. Pif est loin d'être éreinté. L'odeur de Yacine est peut-être plus loin… dans j'nan Ouzani, un ancien domaine colonial devenu après l'indépendance un bien vacant. Là, les deux grosses pattes sur quelques pierres écorchées d'un vieux puits, Pif pousse des aboiements. «On s'est vite rué sur les lieux, il y avait beaucoup de tumulte et tout le monde partait à la recherche de Pif, c'était vraiment la grosse panique. On était persuadé que le chien avait trouvé quelque chose», nous raconte un voisin des Bouchelouh. Une foule impressionnante, grands et petits, s'est agglutinée tout autour du puits asséché et si profond qu'il était impossible de déceler ce qu'il y avait dans ses profondeurs. Quelques jeunes téméraires ont essayé la périlleuse descente au péril de leur vie. Face au danger, ils étaient forcés de renoncer. On décide alors de faire appel à la protection civile et à la police. Les éléments des deux corps arrivent quelque temps après, presque simultanément. Il est 14h30. Le petit Yacine est là, quelque part au fond du puits, à deux mètres d'une bicoque de fortune abandonnée avec des dizaines de canettes de bière et des restes de joints et autres mégots tout autour. Youcef cherchait inlassablement son chérubin depuis 54 jours. Une éternité pour lui, pour sa femme et pour toute la famille. Maintenant, il veut le voir de ses propres yeux, mort ou vivant.