«Tu porteras mon deuil une année au plus, et puis tu m'oublieras», disait Matoub Lounès dans l'une de ses chansons. Une prémonition ? Toute l'œuvre du Rebelle en est chargée. Fin observateur et connaisseur de sa société, Matoub sentait les choses. Le neuvième anniversaire de son assassinat est presque passé sous silence par la fondation qui porte son nom. Une exposition de photos et d'articles de presse occupent tristement le hall de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri. Quelques jeunes scrutent les photos de Matoub à différentes étapes de sa vie, qui a été courte, mais assez riche en événements… souvent malheureux. Un groupe de jeunes que nous avons abordés, nous dit : «Nous rendons chaque jour hommage à Matoub, en écoutant et en nous ressourçant dans ses chansons. Pour nous, le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre c'est de poursuivre son combat pour la démocratie, les libertés et la justice…» Matoub, que la faucheuse a violemment ravi aux siens, le 25 juin 1998, n'aura même pas droit à une déclaration. «Malika (la sœur de Lounès Ndlr) fera peut-être une déclaration à la fin du mois», nous dit un membre de la fondation, qui ne répond pas à notre question sur le choix de la fin du mois et non pas le 25 juin date anniversaire de l'assassinat du Rebelle… Un jour noir et de sang, qui restera marqué dans les annales de l'horreur. Ce jour-là, à Tala Bounane, un virage en épingle à cheveux sur la route Tizi Ouzou/Beni Douala, la mort embusquée attendait avec détermination sa victime. Matoub, le Rebelle, la voix du peuple qui se bat pour la démocratie, les droits de l'homme, la justice sociale et la reconnaissance de son identité, sera tué pas loin de son village natal Taourirt Moussa. Matoub, qui, de sa voix si particulière et avec un verbe cru taillé dans la pierre de sa montagne hostile et rude mais qu'il aimait par-dessus tout, ne chantera plus, et la Kabylie orpheline de son porte-parole, qui «disait tout haut ce que les autres pensaient tout bas», se soulève et c'est l' émeute pendant plusieurs jours. Aujourd'hui, les circonstances de l'assassinat ne sont toujours pas élucidées et le procès des suspects détenus à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou n'a pas eu lieu, laissant place aux rumeurs les plus folles. Il faut dire qu'il s'agit d'une affaire très sensible, le Rebelle ayant marqué à jamais les siens qui s'identifient dans ses chansons. Une œuvre monumentale sur sa société, les dénis dont elle est victime et qu'une victoire de la JSK suffit à mettre en liesse, œuvre qui mérite qu'on s'y attarde…