Opinion n L'actuel entraîneur de l'équipe nationale de handball revient en Algérie après neuf ans d'exil en Tunisie. Il déclare ne plus reconnaître ce sport qui fut un certain temps un exemple mondial. InfoSoir : Après neuf ans passés en Tunisie, comment avez-vous trouvé le handball national ? K. Akkab : J'étais vraiment surpris par le changement de mentalité des joueurs en si peu de temps. Après neuf ans, j'ai retrouvé des joueurs qui n'ont plus d'ambitions sportives et à l'âge de 22 ans, ils veulent arrêter leur carrière de handballeur. La raison est simple : leur situation sociale ne leur permet pas de se consacrer exclusivement au sport. J'ai trouvé des joueurs très difficiles à motiver. J'ai l'impression que le jeune Algérien est devenu fainéant. Avez-vous senti une volonté des responsables de la fédération de changer les choses ? Nombre de responsables se sont succédé à la tête de la Fédération et rien n'a changé. On remarque un manque de planification à long terme et on ne pense pas à l'avenir. Certains ne pensent qu'à occuper le poste de responsable dans cette fédération, alors qu'il aurait été plus judicieux de s'occuper de cette discipline, en préparant un programme à long terme pour toutes les équipes nationales. Vous insinuez qu'il n'y avait aucun programme de préparation pour cette équipe nationale ? Nous n'avons effectué que deux matches de préparation de haut niveau face à la Tunisie. Nous n'avons pu jouer ces deux rencontres qu'à la dernière minute, alors que les Tunisiens sont à leur quinzième match. Ce sont des contrats matches qui se préparent deux ans à l'avance, alors qu'à notre niveau, on travaille au jour le jour sans aucune programmation et cette situation n'est pas digne de notre hand-ball qui était, à un certain moment, le monument du sport algérien. Maintenant, dès que nous commencerons à travailler comme les autres disciplines, nous irons automatiquement vers la concrétisation de résultats probants. Comment expliquer ce déclin alors qu'il fut un temps, le handball algérien dominait l'Afrique ? On ne donne plus d'importance au travail à long terme, on veut des résultats immédiats. Et dès que l'on constate l'absence de résultats, on sacrifie une équipe nationale et tout son staff. Cela engendre un manque de stabilité qui ne permet pas de progresser, dans tous les sens du terme. En revanche, la Tunisie est devenue l'une des meilleures nations du handball mondial. Où réside la différence, vous qui avez été dans ce pays pendant une décennie ? Je suis resté en Tunisie neuf ans dans le même club où j'ai réussi à décrocher neuf titres. Cela signifie bien des choses. Il y a une grande confiance entre le staff technique et le staff administratif, mais il y a surtout une grande stratégie commune à adopter. Il faut laisser l'entraîneur travailler, les joueurs persévérer dans le travail et leur donner les moyens nécessaires pour le réaliser dans de bonnes conditions. Je ne parle pas seulement d'argent, mais de tous les moyens pédagogiques nécessaires à une bonne préparation. Cela fait combien de temps que nous n'avons pas vu une équipe étrangère évoluer en Algérie ? Pourtant dans le passé, il y avait le tournoi du 24-Février, des tournois avec la participation de l'Allemagne, de l'ex-Yougoslavie et de la Russie. Nous avons beaucoup appris d'eux et cela nous a surtout permis de nous frotter aux meilleurs mondiaux de la discipline. Vous savez pourquoi la Tunisie est devenue l'une des meilleures équipes au monde ? Pour évoquer un seul petit détail, elle a disputé trois matches amicaux face à l'Autriche, trois face à la Grèce, trois face à la Hongrie, trois face à la Suède et deux face à l'Algérie. Toutes ces rencontres se sont déroulées en Tunisie, alors que cela fait belle lurette que nous n'avons pas vu une équipe étrangère venir en Algérie. Nous n'arrivons pas à avoir des confrontations avec des équipes de haut niveau qui puissent permettre à nos joueurs de progresser. Le niveau faible de notre championnat ne permet pas d'avoir des joueurs de qualité et c'est pour cela qu'il faut vraiment penser à une stratégie pour rehausser le niveau de notre compétition nationale. Je pense qu'il faut une décision courageuse de la part des responsables du pays. L'Algérie n'arrive même pas à battre le Cameroun, c'est déjà un signe, n'est-ce pas ? Les gens travaillent et progressent et lorsqu'on n'avance pas, il faut s'attendre à ce qu'on soit dépassé. Lors du match face au Cameroun, nous avons remarqué que nous n'avions qu'une mi-temps dans les jambes. Nous avons fléchi en deuxième période et dès qu'un de nos joueurs se blesse, nous n'arrivons pas à le remplacer. La force qui faisait l'Algérie du handball auparavant était la richesse de son effectif, malheureusement actuellement on n'arrive pas à avoir une liste de joueurs élargie afin d'avoir plus de choix pour monter la meilleure équipe possible. Dès qu'on change un de nos joueurs, il n'y a plus la même performance et ça c'est un détail très important dans le handball. Vous avez sensiblement rajeuni l'équipe. Cette situation ne vous incite-t-elle pas certaines craintes ? Lorsque je suis revenu, il y avait deux particularités à choisir. La première consistait à mettre en place une équipe qui avait une moyenne d'âge de 33 ans et la seconde à rajeunir l'équipe tout en gardant quelques anciens pour encadrer les jeunes joueurs. J'ai pris la deuxième décision qui est certes difficile, mais je l'assume. Cette équipe a besoin de travailler avec beaucoup de moyens et il faut lui laisser le temps, avec ou sans moi, pour espérer construire l'avenir. Qu'envisagez-vous comme première action pour sortir la «petite balle» de son marasme ? Il faut redonner son importance au sport scolaire qui était la base de l'émergence de plusieurs excellentes équipes nationales et de joueurs de haut niveau. Malheureusement, nous avons délaissé ce domaine-là et les résultats sont visibles. Et que préconisez-vous à la Fahb ? Au niveau de la fédération, il y a des gens qui essayent de trouver des solutions, mais je pense que ce n'est pas suffisant. Il faut une aide substantielle des autorités. Qu'on le veuille ou non, le sport est devenu une profession et au moment où l'on demande aux sportifs d'être professionnels, on ne suit pas cette demande par les moyens nécessaires. Dans le championnat national, il y a des joueurs qui n'ont pas été rétribués depuis une année et on trouve le moyen de leur demander de faire des efforts.